A propos des valeurs de la République, de la Laïcité, et du “domaine réservé” du président Macron
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A la veille de la pré-rentrée, le ministre Attal a publié une note « Respect des valeurs de la République », adressée aux chefs d’établissements, et une lettre aux parents, toutes deux censées appuyer les personnels suite à sa décision d’interdire les abayas et les qamis à l’école au nom de la Laïcité.
Ce qui frappe à la lecture, tout d’abord, c’est que tout en réaffirmant que l’Ecole de la République accueille « tous les élèves sans stigmatisation ni discrimination », les deux textes ciblent une partie de la population, en ne parlant que des abayas et des qamis, que le ministre a décidé de définir comme vêtements religieux.
Autre fait notable : c’est l’ignorance de la Loi de 1905, à laquelle les deux textes ne font jamais référence.
Les seules références réglementaires sont :
La Loi du 15 mars 2004 qui interdit aux élèves des écoles, collèges et lycées publics de manifester ostensiblement une appartenance religieuse par le port de signes ou de tenues. En renvoyant aux Conseils d’administration la responsabilité de définir ce qui relève du religieux, ainsi que la procédure de « dialogue », la Loi de 2004 exposait les personnels à de multiples pressions.
Pour FO il aurait fallu abroger la Loi Jospin de 1989 et son article 10 (portant sur le « droit d’expression des élèves ») qui est la source de tous les problèmes, Cette abrogation rendrait toute sa force à la circulaire de Jean Zay du 15 mai 1937 qui prohibe tout prosélytisme religieux au sein de l’École publique. La circulaire d’application de la Loi de 2004, en renvoyant à la négociation locale la définition de ce qui est « ostensible » ou non, a confirmé la logique de la Loi de 1989, laquelle prône un « projet pédagogique particulier », sur le modèle du « caractère propre » de l’enseignement privé pour chaque établissement public. Une logique que le président Macron voudrait d’ailleurs pousser jusqu’au bout avec le modèle marseillais.
La note du ministre Attal publiée le 31 août 2023 ne va pas aider les personnels, en particulier les chefs d’établissement, car elle ne fournit aucun critère objectif permettant de soutenir une telle interdiction. Elle n’évitera pas les possibles contestations de la part des familles qui ne reconnaissent pas le caractère religieux de ces vêtements, même si le ministre prétend le contraire ! De fait cette circulaire renvoie à une police du vêtement source de conflits et d’arbitraire.
le décret publié le 16 août 2023 relatif au respect des principes de la République et à la protection des élèves dans les établissements scolaires qui prévoit qu’une procédure disciplinaire est systématiquement engagée par le chef d’établissement « lorsque l’élève commet un acte portant une atteinte grave aux principes de la République, notamment au principe de laïcité. »
Valeurs de la République, ou « l’ordre, l’ordre, l’ordre » ?
Dans un long entretien au journal Le Point, le président Macron, après avoir évoqué les émeutes de juillet 2023 dans les quartiers populaires, assigne une nouvelle mission à l’école, son nouveau
« domaine réservé » : celle de participer à la « recivilisation ». Comment ne pas voir se dessiner une entreprise de soumission de la jeunesse, sorte de complément au projet du Service National Universel qui vise à son embrigadement ? Demander aux personnels d’être les relais de ce qui s’apparente à une idéologie d’Etat, cela n’a rien à voir avec l’Ecole républicaine.
Stigmatiser, mettre au pas, exclure : une logique répressive
Cette volonté de mise au pas transpire dans la circulaire sur « les abayas ». Pour « mettre un terme rapide et durable au comportement constitutif d’un trouble au bon fonctionnement de l’école ou de l’établissement », le ministre Attal prévoit comme moyens « un dialogue » avec l’élève et les parents
« dans un temps resserré », et en cas d’échec de cette phase, une procédure disciplinaire sera systématiquement engagée par le chef d’établissement.
Probablement parce qu’il est conscient des difficultés de l’exercice pour les personnels de direction, le ministre rappelle le décret du 16 août 2023 qui donne à ces derniers des portes de sortie en leur offrant le concours des Dasen, voix du ministre, dans la mise en œuvre des procédures disciplinaires.
« On ne laissera rien passer » martèle le Président Macron. « On sait qu’il y aura des cas à la rentrée. »
Ce n’est pas ça, la Laïcité !
Pour justifier sa mesure, le ministre Attal nous explique que les atteintes à la Laïcité ont augmenté de 120%. Quelle est la réalité de chiffre ? Ont été recensées 4 700 signalements, sur 12 millions d’élèves : soit… 0,03% des élèves ! Et encore faudrait-il connaître de quelles atteintes il est question… A la veille de la rentrée des élèves, une journaliste de Libération reçoit un SMS du cabinet du ministre :
« (…) si vous avez prévu de faire un reportage dans un établissement lundi, sachez que nous avons ouvert les portes de huit établissements partout en France qui sont confrontés au problème de l’abaya. Dites-moi si vous êtes intéressée. » Que cherche le ministre ?
Non seulement l’annonce d’interdiction des abayas et des qamis est une mesure de diversion pour détourner l’attention des vrais problèmes de la rentrée, notamment le manque de personnels et les conditions de travail qui ne cessent de se dégrader. Mais c’est aussi un instrument au service du chaos que le gouvernement veut imposer pour diviser, séparer, mettre au pas. Ce faisant il place les personnels, en particulier de direction, en grande difficulté.
La FNEC FP-FO rappelle que chaque année, le gouvernement attribue des milliards d’argent public aux écoles privées confessionnelles : 8,5 milliards d’euros sont consacrés au financement de l’enseignement privé des 1er et 2nd degrés au budget 2023.
Pour la FNEC FP-FO, « faire bloc pour la Laïcité », c’est agir pour l’abrogation des lois anti-laïques, l’arrêt des mesures de territorialisation et de privatisation de l’Ecole, c’est le respect de la loi de 1905, qui assure la liberté de conscience et la neutralité de l’Etat, lequel ne reconnait, ne salarie et ne subventionne aucun culte (article 2 de la loi de 1905), c’est agir pour le respect du principe « à l’école publique, fonds publics, à école privée, fonds privés » !