Déclaration de la FNEC FP-FO au CSE du 15 octobre 2018
Monsieur le ministre, Mesdames, Messieurs membres du CSE,
Le projet de loi de l’école de la confiance est présenté aujourd’hui au CSE dans la précipitation : nous avons été informés le 2 octobre alors que le texte n’était pas finalisé. Il doit être présenté au parlement en janvier pour une application (hors réforme territoriale) à la rentrée 2019.
Nous avions entendu qu’il n’y aurait pas de loi Blanquer, aujourd’hui nous avons un projet de loi qui bouleverse l’organisation de l’enseignement dans notre pays.
Il y a urgence, c’est vrai, mais urgence à écouter les revendications des personnels, dont les conditions de travail et de rémunération se sont considérablement dégradées. Il y a urgence à revenir sur toutes les réformes qui, les faits le montrent, fragilisent l’école de la République des rythmes scolaires à Parcoursup.
Dans votre conférence de presse de rentrée, vous avez déclaré : « l’école est la colonne vertébrale de la République ». Pour la FNEC-FP FO, avec la confédération FO, les services publics et l’éducation nationale au premier chef, sont en effet garants de l’égalité républicaine et de la République, une et indivisible.
Le projet de loi intitulé « Pour une école de la confiance » répond-il à l’exigence d’un service public garantissant les mêmes droits sur tout le territoire et fondé sur les garanties statutaires des personnels ? Répond-il à leurs revendications urgentes ? C’est en fait tout l’inverse.
Ce projet vise en effet à pousser à son terme l’application de la réforme territoriale du gouvernement précédent à l’éducation nationale.
L’article 17 autorise le gouvernement à « prendre par ordonnance les mesures (…) rendues nécessaires par le nouveau découpage du territoire national pour l’organisation des services académiques ».
Pourquoi légiférer par ordonnance si ce n’est pour imposer aux personnels une réforme dont ils ne veulent pas, comme cela a déjà été le cas pour la réforme du code du travail ?
La constitution de 13 académies, avec la fusion des 28 existantes est bel et bien un pas décisif vers une régionalisation de l’Éducation nationale et la remise en cause des règles nationales . La volonté de donner une place déterminante à la région dans les décisions et orientations prises, la mise en place de projets régionaux et de directions pédagogiques régionales, comme c’est déjà le cas à Rouen et Caen en sont des illustrations.
Cette réforme fait système avec CAP 22 et le recul planifié des services publics, il fait système avec les 120000 suppressions de postes prévues sur le quinquennat (d’ores et déjà 400 suppressions sont annoncées en 2019 pour les personnels administratifs).
On nous parle de dialogue social et de concertation : le choix du recours aux ordonnances illustre ce qu’il en est réellement. Le gouvernement n’écoute personne, il entend aller jusqu’au bout de ses contre-réformes : c’est l’autoritarisme qui est au poste de commande, c’est une fuite en avant.
On essaie de nous rassurer en nous disant que les périmètres de gestion resteront inchangés jusqu’en 2022… Cela ne signifie pas que les garanties statutaires seront maintenues. Personne n’est dupe : cette réforme ne peut que bouleverser les droits des personnels en ce qui concerne les progressions de carrière, les promotions, la politique indemnitaire, les mutations et les affectations.
Les autres dispositions essentielles de ce projet de loi sont en total cohérence avec la logique de pulvérisation des garanties nationales de la réforme territoriale.
Il serait ainsi possible d’adapter localement les horaires d’enseignement. En fonction des moyens locaux, un établissement pourrait proposer un enseignement de mathématiques pendant une moitié de l’année. Dans un contexte de pénurie aiguë de professeurs de mathématiques, cela ne paraît pas de la science-fiction. Le tronc commun de Première dans votre projet de réforme du lycée, mutualisant, dans l’enseignement scientifique, les sciences-physiques, la SVT et les mathématiques, donne aussi cette possibilité aux chefs d’établissement, de plus en plus confrontés à un manque de personnels.
L’égalité républicaine serait-elle maintenue alors que les élèves n’auraient plus les mêmes horaires hebdomadaires ?
De quelle égalité républicaine s’agit-il quand le projet de loi prévoit la généralisation des établissements type école européenne de Strasbourg appelés EPLEI ? Pour ces écoles du socle, les volumes d’heures ne seraient pas annualisés mais ferait l’objet d’une répartition sur plusieurs années. En effet, l’organisation de la scolarité, par cycle, mettrait fin à la notion de niveau et à l’organisation annuelle des enseignements.
Ces écoles seraient aussi susceptibles d’être financées par « des personnes morales de droit privé », autrement dit des entreprises ou des associations.
Ces dispositions créent un précédent inacceptable, susceptible d’être étendu à tous les établissements et toutes les écoles.
L’école de la République serait-elle renforcée par la scolarité obligatoire dès 3 ans alors que 98.9 % des élèves de cet âge sont déjà scolarisés ? La seule véritable conséquence concrète, c’est l’augmentation mécanique des subventions de l’état aux écoles privées.
Le projet de loi prévoit la création d’un conseil de l’évaluation à la place du CNESCO, chargé de la « méthodologie et des outils d’évaluation ». Pour FO, les élèves sont évalués par les examens nationaux. Or la réforme du lycée remplacerait le baccalauréat par des diplômes expérimentaux et locaux, pour le meilleur comme pour le pire, notamment dans le cadre de l’article 8 du chapitre II. Après l’évaluation des personnels sur ces critères multiples, arbitraires et locaux, découlant de PPCR, on introduit l’évaluation des établissements en s’appuyant sur l’évaluation des élèves. C’est un pas vers le pilotage du système par les résultats en lieu et place des horaires et des programmes nationaux. C’est la mise en concurrence des établissements.
Ce sont les personnels qui seraient rendus responsables des choix pédagogiques opérés, dans un contexte où, par ailleurs, les coupes budgétaires rendent les conditions d’apprentissage des élèves de plus en plus difficiles. Est-ce cela la démarche de proximité ?
Ce n’est pas la remise à plat de la formation initiale, prévue dans le Titre III, qui résoudra les difficultés. Les dysfonctionnements des ESPE, dont l’organisation et les contenus des enseignements diffèrent justement d’un établissement à l’autre, ont été pointés par le rapport de la Cour des comptes*. C’est le résultat du désengagement de l’état que FO avait dénoncé lors de la réforme dite de la mastérisation. Une réforme que le projet maintient.
Au lieu de cela, il prévoit la modification du recrutement des AED, qui pourraient être utilisés comme professeurs apprentis à moindre coût. Recrutés par contrat en L2, sans le statut de professeur stagiaire, ils seraient exposés au licenciement jusqu’à leur titularisation qui n’interviendrait qu’à la fin de leur M2. Ils seraient licenciables pendant 4 ans. Cela ressemble fort à la période d’essai du contrat première embauche qui avait dû être abrogé face à la mobilisation des jeunes et des salariés, avec leurs organisations. Cela n’a rien à voir avec un véritable pré-recrutement dans le cadre du statut !
Ce projet de loi fait fausse route, il est dangereux pour l’école et la République, le mieux serait de l’abandonner, nous vous le demandons.