Eva­lua­tion et nou­veau mana­ge­ment public, entre­tien avec Roland Gori, Pro­fes­seur émé­rite de psy­cho­lo­gie et de psy­cho­pa­tho­lo­gie cli­nique à l’u­ni­ver­si­té Aix-Marseille

1 Juin, 2023SNCIFO

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D.M. De quoi l’in­fla­tion éva­lua­tive impo­sée à l’ins­ti­tu­tion sco­laire depuis quelques années est-elle selon vous le nom ?

R.G. On nous fait croire que les éva­lua­tions seraient aujourd’hui une inno­va­tion en rup­ture avec ce que nous avons connu anté­rieu­re­ment. C’est à la fois vrai… et faux !

C’est vrai, parce que jamais autant qu’aujourd’hui, les enfants, les ensei­gnants, l’ensemble des tra­vailleurs et des citoyens n’ont été sou­mis à des formes sociales d’évaluation qui consistent à leur pres­crire l’injonction à trans­for­mer tout ce qu’ils font en don­nées quan­ti­ta­tives, comme si la qua­li­té était une pro­prié­té émer­geante de la quan­ti­té. De plus ces éva­lua­tions pro­cèdent d’une sur­veillance conti­nue, nor­ma­li­sée, ran­do­mi­sée qui nous place sur les “auto­routes de ser­vi­tudes” (Deleuze) ou les indi­vi­dus sont contrô­lés en per­ma­nence. Ce phé­no­mène marque un chan­ge­ment de para­digme et le pas­sage d’une socié­té dis­ci­pli­naire (Fou­cault) au sein des­quelles les com­por­te­ments étaient incul­qués en des lieux, des ins­ti­tu­tions et de moments clai­re­ment iden­ti­fiés, à une socié­té dis­ci­pli­naire déter­ri­to­ria­li­sée où cha­cun est en per­ma­nence sur­veillé, cor­ri­gé, normalisé.

Le cas du Bac­ca­lau­réat : aujourd’hui il ne libère plus, il n’est plus éman­ci­pa­teur. Le Bac ne marque plus le pas­sage vers l’enseignement supé­rieur. Le contrôle conti­nu, pra­ti­qué comme il l’est aujourd’hui, ins­talle une sur­veillance per­ma­nente des élèves et des pro­fes­seurs. Le rem­pla­ce­ment des notes d’examen par des moyennes obte­nues tout au long de l’année entraine des effets per­vers. L’hétérogénéité des pra­tiques éva­lua­tives des ensei­gnants dans le contexte propre à chaque éta­blis­se­ment encou­rage les élèves à adop­ter des « stra­té­gies payantes » qui modi­fient pro­fon­dé­ment la rela­tion péda­go­gique et la signi­fi­ca­tion de la note obte­nue à l’examen.

Il s’agit pour l’élève d’adopter des habi­tus lui garan­tis­sant d’être le bon joueur du jeu social. L’élève et/ou sa famille choi­si­ront par exemple de contour­ner la sec­to­ri­sa­tion des éta­blis­se­ments pour s’assurer de meilleurs résultats.

Le minis­tère se garan­tit ain­si une forme de main mise mana­gé­riale sur les ensei­gnants et les éta­blis­se­ments par la remon­tée de don­nées consi­dé­rables qui lui assurent contrôle et gui­dage. Pour com­plé­ter le dis­po­si­tif, le ministre Blan­quer s’est assu­ré le contrôle de l’administration cen­trale par le recru­te­ment fonc­tion­nel de l’encadrement supé­rieurs du minis­tère, l’ouvrant même à des per­son­nels n’ayant ensei­gné pas ou issus du monde de l’entreprise privée.

Jamais donc n’avait été osée une telle intru­sion dans la rela­tion péda­go­gique, dans le par­cours d’acquisition des savoirs. Jamais il n’avait été osé de rendre visible de manière numé­rique les com­por­te­ments indi­vi­duels et col­lec­tifs dans les écoles et les éta­blis­se­ments. Jamais n’avait été ren­du pos­sible le pro­jet de leur contrôle et de leur nor­ma­li­sa­tion massive.

Ces modes de contrôle propres au néo­li­bé­ra­lisme auto­ri­taire ins­tallent un qua­drillage des conduites pour mieux pou­voir les sou­mettre. Cette stra­té­gie des “nudges” conduit les indi­vi­dus à avoir l’impression de choi­sir libre­ment leur manière de tra­vailler, d’agir, de vivre selon les prin­cipes car­di­naux du néo­li­bé­ra­lisme que sont la concur­rence et la libre auto exploi­ta­tion d’eux-mêmes. Les struc­tures sociales leur dictent des com­por­te­ments qui font écho à l’évolutionnisme moral de Spen­cer qui pose le prin­cipe de sélec­tion natu­relle comme vec­teur de pro­grès, inci­tant à la nor­ma­li­sa­tion et à lais­ser sur le bord de la route tout indi­vi­du “dys­fonc­tion­nant”.

Cette idéo­lo­gie s’étend à tous les aspects et tous les moments de la vie. Jusque dans les crèches où par exemple, les com­por­te­ments des enfants sont désor­mais scru­tés. L’autonomie et la pug­na­ci­té sont éva­luées afin de détec­ter d’éventuelles “ano­ma­lies” par rap­port aux normes prescrites.

C’est faux puisque le trai­te­ment de la valeur qui a cours actuel­le­ment est radi­ca­le­ment dif­fé­rent de celui en vigueur auparavant.

Dans tous les domaines de la vie, dans les pra­tiques pro­fes­sion­nelles, ins­ti­tu­tion­nelles exis­taient des pra­tiques éva­lua­tives qui pre­naient place dans un espace propre à la démo­cra­tie, celui de la parole, celui du récit, celui du débat contradictoire.

A l’université, les ins­tances de dis­cus­sions éta­blis­sant la qua­li­té des articles ont par exemple été rem­pla­cées par des ins­tances au cours des­quelles la lec­ture des articles n’est plus requise puisque seules sont prises en compte des indi­ca­teurs numé­riques comme le nombre de cita­tions. L’évaluation par la parole a donc été rem­pla­cée par une régu­la­tion for­melle se tra­dui­sant par l’examen d’une confor­mi­té repo­sant sur des masses de don­nées chif­frées (ou encore le ratio­na­lisme for­mel de Weber).

D.M. Nous consta­tons ce phé­no­mène dans tous les cycles de l’institution sco­laire. Les espaces de dia­logue sont réduits à peau de cha­grin. Les chiffres mis en avant n’ont que très rare­ment de véri­table valeur, leur uti­li­sa­tion sta­tis­tiques est très sou­vent baroque, pour ne pas dire com­plè­te­ment erronée.

R.G. Oui, vous avez rai­son, cela me rap­pelle une cita­tion de l’économiste Sau­vy qui aimait à rap­pe­ler que “les chiffres sont des êtres fra­giles qui, à force d’être tor­tu­rés, finissent par avouer ce qu’on veut leur faire dire”. L’évaluation en sys­tème néo­li­bé­ral peut ain­si très clai­re­ment être ana­ly­sée comme un sys­tème de prestidigitation.

Des pro­fes­seurs d’université, dans le cadre de “l’appel des appels”, mathé­ma­ti­ciens, sta­tis­ti­ciens, infor­ma­ti­ciens se sont pen­chés sérieu­se­ment sur l’usage des chiffres dans les ins­ti­tu­tions publiques. Ils ont été ahu­ris de l’utilisation qui en est faite, sans aucune maî­trise de leur trai­te­ment et de leur interprétation.

Même les éco­no­mistes sont reve­nus de telles pra­tiques, pre­nant au sérieux la loi de Good­hart qui affirme que lorsqu’une mesure devient une cible, celle-ci cesse d’être une bonne mesure.

Par exemple, à l’hôpital, des enquêtes ont révé­lé que les ser­vices qui lut­taient le mieux contre des mala­dies noso­co­miales étaient ceux qui uti­li­saient de grandes quan­ti­tés de solu­tion hydro­al­coo­lique. Si vous faites de cette quan­ti­té de solu­tion un indi­ca­teur, sans tenir compte des pra­tiques, vous obte­nez des usages sans aucun rap­port avec l’utilité du pro­duit. Cer­tains ser­vices ses sont retrou­vés très bien éva­lués pour leurs impor­tantes com­mandes de solu­tion hydro­al­coo­lique qui dor­maient dans des réserves, sans que les mala­dies noso­co­miales ne reculent.

Dans le domaine des éva­lua­tions sco­laires, tout ce qui est mis en place à l’heure actuelle modi­fie ce que les enquêtes pré­li­mi­naires avaient mesu­ré comme effets d‘apprentissages. La pho­to­gra­phie de ces effets devient la cible en quelque sorte et cela per­ver­tit la rela­tion de l’enfant ou de l’étudiant avec le savoir, avec l’enseignant et cela modi­fie la rela­tion du péda­gogue à son métier.

Être un bon péda­gogue, ce n’est plus sus­ci­ter le goût du savoir et de l’apprentissage chez les élèves mais c’est leur lais­ser croire que ce qui compte c’est obte­nir les meilleurs scores, le maxi­mum de mentions.

D.M. Nous consta­tons cela fré­quem­ment. Il devient très com­pli­qué de par­ler de ces aspects de la pra­tique ensei­gnante avec notre hié­rar­chie ou l’inspection géné­rale qui les connait mal et ne jure que par les chiffres des résul­tats des élèves aux éva­lua­tions nationales.

RG. Il faut lut­ter contre ce phé­no­mène qui se géné­ra­lise à tous les champs pro­fes­sion­nels. C’est d’ailleurs la rai­son pour laquelle j’ai créé « l’appel des appels » il y a 15 ans afin de lut­ter contre ce que Debord nomme la cyber­né­ti­sa­tion tota­li­taire de la socié­té dans son ensemble.

C’est dans ce contexte que les nou­velles eth­no­lo­gies jouent le rôle d’amplificateur de ces fabriques de ser­vi­tudes et ces dis­po­si­tifs de sou­mis­sion sociale libre­ment consentie.

La levée de bou­clier contre la déma­té­ria­li­sa­tion des copies lors de la cor­rec­tion des exa­mens et concours est à ce titre révé­la­trice. Michel Bou­ton explique très clai­re­ment que le numé­rique n’est pas la ques­tion, mais que le dis­po­si­tif revient à trai­ter les ensei­gnants comme des machines. Il montre que le sys­tème d’automatisation à l’œuvre dans de nom­breux champs tend à trans­for­mer les actes pro­fes­sion­nels en actes inté­grés dans une chaîne auto­ma­tique de pro­duc­tion d’unités : uni­tés de com­pé­tences, uni­tés de soins, … Il est ain­si appris aux tra­vailleurs, un peu à la manière des temps modernes de Cha­plin, à accom­plir le même geste déci­dé par d’autres qu’eux, c’est-à-dire par des experts.

Dans le domaine de l’éducation, le ministre Blan­quer et Sta­nis­las Dehaene ont essayé de faire croire que les inéga­li­tés sociales sont le résul­tat d’inégalités sco­laires elles-mêmes dues au mau­vais appren­tis­sage par les pro­fes­seurs des méthodes des neu­ros­ciences. On mutile par ce pro­cé­dé le goût d’enseigner et le goût d’apprendre, ce n’est donc pas éton­nant que tant de postes aux concours res­tent disponibles.

Il s’agit en consé­quence aujourd’hui pour s’en sor­tir, élève comme ensei­gnant ou cadre, de tri­cher, de se conten­ter de la com­mu­ni­ca­tion. Ain­si les confor­mistes s’en sor­ti­ront sans rien inven­ter mais ne trans­met­trons abso­lu­ment pas le goût d’apprendre aux élèves et aux étu­diants. Ils se conten­te­ront de pro­duire des formes qui ont été déci­dées par d’autres qu’eux. Les impos­teurs quant à eux, qui sont eux des éponges des valeurs de leur envi­ron­ne­ment et des camé­léons, savent faire ce qu’il faut à la manière de Tar­tuffe pour obte­nir du crédit.

Du coté des élèves comme des ensei­gnants, cette situa­tion pose pro­blème. Dans mon ouvrage La fabrique des impos­teurs (2013), j’évoque la situa­tion d’un cher­cheur qui, pour gagner du temps et grim­per dans le pal­ma­rès des publi­ca­tions scien­ti­fiques éta­bli sur des chiffres, se fai­sait pas­ser à lui-même ses enquêtes sociales. Lorsqu’il fut démas­qué, il avoua avoir “trop pris goût au sys­tème”. C’est bien le risque que l’on prend avec nos élèves mais aus­si avec les ensei­gnants et l’encadrement si l’on ne prend pas garde aux moda­li­tés de leur éva­lua­tion. Le désir de faire valoir et de se faire valoir est pro­mu au dépend de l’installation du désir d’apprendre ou de faire apprendre.

Nous assis­tons je pense à un phé­no­mène de bas­cu­le­ment géné­ra­li­sé qui altère les fina­li­tés des métiers de l’enseignement. Il appa­rait plus que jamais néces­saire de résis­ter à la croyance de la pos­si­bi­li­té du pilo­tage d’un gou­ver­ne­ment par les chiffres. Il est urgent de rou­vrir les espaces de dia­logues utiles à la confron­ta­tion des idées qui garan­tissent le carac­tère démo­cra­tique de notre société.

DM. Réins­tau­rer le dia­logue et le récit sont les pistes prio­ri­taires que vous avan­cez pour inver­ser le mou­ve­ment. Voyez-vous d’autres moyens complémentaires ?

RG. Il est très impor­tant de rap­pe­ler que les pro­fes­sion­nels portent une puis­sance de valeur très impor­tante. Ce sont bien eux qui pro­duisent et non les experts divers et variés. Si les soi­gnants ne soignent pas, les hôpi­taux ne tournent pas, si les ensei­gnants n’enseignent pas, les écoles, lycées et uni­ver­si­tés ne tournent pas, idem pour les jour­na­listes et les salles de rédac­tion… C’est donc là que l’effort doit peser selon moi.

Il est impor­tant que les syn­di­cats défendent les condi­tions de tra­vail, mais ils ont très majo­ri­tai­re­ment lâché la proie pour l’ombre en tant que la sub­stan­ti­fique moelle de nos métiers, et dans les­quels nous pou­vons nous réa­li­ser, ce sont les condi­tions sociales, sub­jec­tives et sym­bo­liques d’accomplissement de nos actes professionnels.

La défense des condi­tions de réa­li­sa­tion de nos actes pro­fes­sion­nels devrait être un axe majeur de l’action syn­di­cale. Il faut exi­ger du temps. Il faut exi­ger des temps morts.

Il faut exi­ger du temps libre, du temps d’échange, du temps dis­po­nible pour les col­lec­tifs pro­fes­sion­nels. Il faut réha­bi­li­ter la valeur du récit, du témoi­gnage, bref du temps pour une ana­lyse qualitative.

Il est essen­tiel de refu­ser toute ana­lyse quan­ti­ta­tive qui n’est pas accom­pa­gnée d’un dia­logue per­met­tant une ana­lyse qualitative.

C’est l’avenir de notre huma­ni­té qui se trouve là ques­tion­née. La créa­ti­vi­té joue cet égard un rôle majeur. Patrick Cha­moi­seau iden­ti­fie à ce pro­pos que les mou­ve­ments de résis­tance des esclaves fon­dés par la créa­ti­vi­té ont été les plus déter­mi­nants car cette créa­ti­vi­té pas­sant par le chant, la danse, la parole, la culture, est tou­jours une réhumanisation.

L’enseignement des mathé­ma­tiques, de la chi­mie, de la phy­sique est impor­tant. Mais il faut aus­si de l’histoire, de la phi­lo­so­phie, de la poé­sie, de la lit­té­ra­ture, de la culture géné­rale. Il faut en quelque sorte veiller à la bio­di­ver­si­té des savoirs et des pra­tiques péda­go­giques sans laquelle nous abou­ti­rons à l’extinction des espèces et en par­ti­cu­lier de l’espèce humaine et de la sous-espèce que sont les éco­liers, les lycéens, les étu­diants et les enseignants.

J’insiste sur le fait qu’il ne s’agit pas de “cas­ser les chiffres” mais de consi­dé­rer que les chiffres sont là pour nous faire par­ler et non pour nous faire taire. Or aujourd’hui les chiffres sont là pour nous faire taire car ils par­ti­cipent à de nou­velles formes sociales de l’évaluation qui sont de nou­velles formes de servitudes.

D.M. Quel serait selon vous le point de départ de ce mou­ve­ment de fond ?

RG. La confé­rence de Lis­bonne (2000) qui a envi­sa­gé faire de l’Europe “l’économie de la connais­sance la plus com­pé­ti­tive et la plus dyna­mique du monde” a été à cet égard le point de départ d’un capi­ta­lisme du savoir qui pro­gres­si­ve­ment a trans­for­mé nos actes pro­fes­sion­nels en pro­duits standardisés.

Il faut revoir le film for­mi­dable L’école buis­son­nière (Le Cha­nois, 1949) qui rend compte de l’approche Frei­net pour consta­ter le contre­point par rap­port aux dif­fi­cul­tés dans les­quelles nous placent les équipes minis­té­rielles depuis 2017 notamment.

Les inci­ta­tions à des pra­tiques péda­go­giques nor­mées, via des pres­crip­tions for­melles (des pro­to­coles d’évaluation, des guides), témoignent du déve­lop­pe­ment de cette idéo­lo­gie. L’accent mis sur la fluence est à cet égard très par­lant. Comme si l’entrainement à la recon­nais­sance for­melle rapide de cor­res­pon­dances gra­pho­pho­no­lo­giques avait un rap­port avec les stra­té­gies de com­pré­hen­sion. Il y a un lien, c’est évident, pour com­prendre, mieux vaut mai­tri­ser le code, mais il s’agit bien d’entrainements sys­té­ma­tiques à la recon­nais­sance de la syn­taxe du mes­sage et non de son conte­nu et encore moins d’une inci­ta­tion à en par­ler et à le critiquer.

Le ministre Blan­quer mais aus­si l’institut Mon­taigne font la pro­mo­tion d’une natu­ra­li­sa­tion des fonc­tion­ne­ments psy­chiques et sociaux de l’humain abou­tis­sant à une sorte de neu­ro-cog­ni­tion fai­sant de l’individu une machine computationnelle.

Il suf­fi­rait d’améliorer les com­pé­tences com­pu­ta­tion­nelles pour obte­nir des gens com­pé­tents, concur­rents, ser­vant une éco­no­mie nationale.

Je pense que cette vio­lence anti­dé­mo­cra­tique nous emmène dans le mur parce qu’elle pro­duit d’autres formes de vio­lences. Celles que nous connais­sons aujourd’hui (début juillet 2023) n’est pas sans rap­port avec ce que nous subis­sons. En effet Fou­cault nous rap­pelle que si nous vou­lons connaître la vraie nature d’un pou­voir, il faut ana­ly­ser les formes qui y résistent et selon moi, depuis quelques années les formes qui résistent ne sont plus vrai­ment démocratiques.

Chan­ger les pra­tiques d’évaluation per­met­tra de chan­ger les pra­tiques sociales et vice versa.

D.M. Pour cela, encore faut-il dis­po­ser d’une forme de pou­voir d’agir repo­sant sur la pos­si­bi­li­té d’une expres­sion libre que per­met le sta­tut géné­ral de la fonc­tion publique. Or en ce moment le minis­tère tra­vaille à la redé­fi­ni­tion des mis­sions des corps d’inspection, sou­hai­tant faire de nous de simples « cour­roie de trans­mis­sion des poli­tiques minis­té­rielles » effa­çant ain­si notre rôle de conseil des auto­ri­tés dépar­te­men­tales, aca­dé­miques et minis­té­rielles (page 21).

RG. C’est extrê­me­ment grave. C’est une déva­lo­ri­sa­tion de votre fonc­tion, c’est une des­ti­tu­tion de votre parole et cela va avoir des consé­quences sur les déci­sions poli­tiques. Par exemple un impact sur la for­ma­tion et les conseils péda­go­giques aux jeunes ensei­gnants. Tout jeune ensei­gnant devrait être accom­pa­gné, au sens de béné­fi­cier d’un com­pa­gnon­nage auprès de pairs che­vron­nés et non se voir dic­ter sa pra­tique par des neu­ros­cien­ti­fiques qui n’ont jamais mis les pieds dans une salle de classe. Si votre parole n’est plus libre, c’est le dia­logue au sein de l’institution qui disparait.

Il me semble en consé­quence cru­cial de rap­pe­ler que si l’on ne per­met pas à n’importe quel pro­fes­sion­nel, ceci valant émi­nem­ment pour les corps d’inspection, de se réap­pro­prier la démo­cra­tie confis­quée par la tech­no­cra­tie, c’est son sta­tut de citoyen qu’il perd !

Le SNCI-FO reven­dique un mora­toire sur les éva­lua­tions et l’ou­ver­ture de dis­cus­sions syno­nymes d’une pleine recon­nais­sance de l’ex­per­tise des corps d’inspection.

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