For­ma­tion des ensei­gnants et concours : un puzzle déci­sion­nel pour mieux exploi­ter étu­diants MEEF et ensei­gnants stagiaires

4 Déc, 2020Com­mu­ni­qué

Temps de lec­ture : ( mots)

Il a fal­lu attendre que se tienne le 1er décembre au minis­tère, d’un « groupe de tra­vail » réuni dans le cadre de l’ « agen­da social », sur les étu­diants contrac­tuels de mas­ter MEEF, pour que soient confir­mées toutes les ana­lyses de la FNEC-FP FO et cla­ri­fié les objec­tifs du ministère.

Celui-ci a en effet com­po­sé un puzzle dont l’assemblage n’a pas été évident pour tous les interlocuteurs.

1e pièce du puzzle : le concours est dépla­cé en fin de M2. C’est une simple décla­ra­tion de J.-M. Blan­quer qui a fixé ce nou­veau para­mètre. Dès lors, cha­cun était enjoint de le prendre en compte dans les dis­cus­sions. La FNEC-FP FO s’y est refu­sée et a contes­té cet oukaze : dépla­cer le concours au second semestre de M2, c’est faire perdre une année dans l’accès au sta­tut ain­si que pour les droits à la retraite.

2e pièce du puzzle : le concours est vidé de l’essentiel de son conte­nu dis­ci­pli­naire. Réduits à deux épreuves par la pré­cé­dente réforme, dont une seule­ment cen­trée sur la maî­trise de la ou des dis­ci­plines, les oraux d’admission étaient déjà sin­gu­liè­re­ment affai­blis. Tan­dis que l’épreuve cen­trée sur la péda­go­gie demeure, l’épreuve stric­te­ment dis­ci­pli­naire est rem­pla­cée par un oral de recru­te­ment, avec des jurys étran­gers au champ dis­ci­pli­naire. Elle est de plus expli­ci­te­ment sub­jec­tive, puisque des­ti­née à tes­ter la

« moti­va­tion » du can­di­dat. Comme l’a mon­tré la FNEC-FP FO, c’est la remise en cause de concours qui, trop cen­trés sur les dis­ci­plines, ne per­mettent pas la « poly­va­lence » atten­due par le minis­tère, c’est aus­si une volon­té de déqua­li­fi­ca­tion des ensei­gnants et de mise en cause de cur­sus dis­ci­pli­naires en amont du concours. En outre, c’est ins­ti­tuer une sorte de voie d’accès exclu­sive aux concours : réus­sir le CAPES après un mas­ter « recherche » devien­dra presque impos­sible, tant la véri­fi­ca­tion de l’adéquation à l’institution pri­me­ra sur celle de la maî­trise des connaissances.

3e pièce du puzzle : dis­po­ser de direc­teurs d’INSPÉ à la main du minis­tère. Pour évi­ter que d’éventuelles oppo­si­tions se mani­festent jusque dans les rangs direc­to­riaux, le minis­tère change les moda­li­tés de dési­gna­tion des direc­teurs d’INSPÉ, dont la dési­gna­tion relève désor­mais prin­ci­pa­le­ment du minis­tère via les rec­to­rats.

4e pièce du puzzle : la réforme des maquettes de mas­ter MEEF et la déstruc­tu­ra­tion des équipes de for­ma­tion. Il faut « pro­fes­sion­na­li­ser », ordonne le minis­tère aux équipes qui dans les INSPÉ sont char­gées de mettre en place les nou­veaux mas­ters. Pour ceci, il faut que le tiers du volume de for­ma­tion soit dévo­lu à des col­lègues qui conti­nuent d’être la majeure par­tie du temps « dans les classes ». Concrè­te­ment, comme l’a mon­tré la FNEC-FP FO, ceci met en cause les ser­vices des ensei­gnants de sta­tut pre­mier ou second degré comme des ensei­gnants-cher­cheurs affec­tés en INSPÉ, donc abou­tit à réduire le nombre de postes en INSPÉ. Cer­tains disent qu’il est impos­sible d’arriver à attri­buer un tiers du volume de la for­ma­tion à des ensei­gnants externes aux INSPÉ (pas assez de volon­taires, pas assez de col­lègues qua­li­fiés pour ce faire). Or le volume horaire des mas­ters n’est fixé par aucune régle­men­ta­tion et par ailleurs tout dépend de la dis­po­ni­bi­li­té des étu­diants MEEF pour suivre ces formations.

5e pièce du puzzle : la mise en place de l’« alter­nance » pour les étu­diants MEEF, c’est-à-dire leur contrac­tua­li­sa­tion. Au lieu de pré­pa­rer leurs concours, ceux-ci seront contrac­tuels sur des contrats d’un an, à che­val sur les deux années de mas­ter, avec des horaires heb­do­ma­daires variables (jusqu’à deux-tiers de l’ORS heb­do­ma­daire d’un titu­laire, jusqu’à 100 % pour les futurs CPE), sur la base d’un cal­cul annua­li­sé de de leur ser­vice. Rému­né­ra­tion : moins de 700 € nets par mois. Comme l’a mon­tré la FNEC-FP FO, le coût de l’heure d’enseignement est de 30 % infé­rieur à celle d’un contrac­tuel rem­pla­çant ou d’un titu­laire débu­tant (34 euros contre 48 euros) ; quant au coût de l’heure de tra­vail, il tombe en des­sous de 10 €, moins que le SMIC. Cepen­dant les étu­diants MEEF devront aus­si suivre les cours à l’université, à l’INSPÉ, rendre les divers mémoires qui leur sont deman­dés. Gageons que peu pour­ront se pré­sen­ter de manière sereine et avec de vraies chances de suc­cès aux concours.

6e pièce du puzzle : la fin des décharges de ser­vice pour les ensei­gnants fonc­tion­naires sta­giaires. La jus­ti­fi­ca­tion tient au fait qu’ils auront été « pro­fes­sion­na­li­sés » en amont. Au lieu de ser­vices à mi-temps heb­do­ma­daires, ils dis­po­se­ront d’une quin­zaine de jours de for­ma­tion en moyenne pen­dant leur pre­mière année… en plus de leur plein temps heb­do­ma­daire. Ceci repré­sente une « éco­no­mie » de 9000 postes sur l’ensemble des 1er et 2nd degrés. Quant aux tuteurs des sta­giaires en éta­blis­se­ment, ils rece­vront une indem­ni­té de 600 € (rap­pe­lons qu’elle était de 2000 euros en 2010). Pour ce tarif, qui vou­dra s’occuper de ces nou­veaux sta­giaires ? Sans doute de moins en moins de col­lègues, mais ceci devrait s’adapter à la baisse du nombre de lau­réats des concours, déjà enta­mée et que la réforme ren­drait inéluctable.

7e pièce du puzzle : la des­truc­tion de l’enseignement dis­ci­pli­naire en amont du mas­ter, c’est-à-dire en licence. Cette 7e pièce n’a encore guère été dévoi­lée mais elle est en voie d’assemblage, dans des « groupes de tra­vail », pour les pro­fes­seurs des écoles en pre­mier lieu mais pour ceux du second degré aus­si. Produire

« l’enseignant de demain », « pro­fes­sion­na­li­sé », c’est-à-dire poly­va­lent et bouche-trous, ne requiert pas en effet d’exigeante for­ma­tion dis­ci­pli­naire préa­lable, qui risque de plus de doter le futur ensei­gnant d’un outillage intel­lec­tuel et cri­tique peu conforme aux attentes de la hiérarchie.

8e pièce du puzzle : La dis­lo­ca­tion de tout cadre natio­nal. Cette pièce est trans­ver­sale à toutes les autres. Au nom de la néces­saire « adap­ta­tion » (aux horaires chan­geants des contrac­tuels étu­diants, aux dis­po­ni­bi­li­tés en main d’œuvre qui varie­raient selon les INSPÉ ou les uni­ver­si­tés), il n’y aura plus aucune for­ma­tion ini­tiale (qu’elle soit pro­fes­sion­nelle ou aca­dé­mique) com­pa­rable d’un endroit à l’autre du ter­ri­toire, ni même entre filières d’un même territoire.

Recons­trui­sons le puzzle :

➢ La réforme de la for­ma­tion des ensei­gnants et des concours a pour objec­tifs immé­diats et principaux :

  • l’utilisation, pour un coût défiant toute concur­rence (infé­rieur au SMIC), des étu­diants MEEF comme

contrac­tuels bouche-trous dans les éta­blis­se­ments, leur accli­ma­ta­tion aus­si à la condi­tion de contractuel ;

  • l’économie d’environ 9000 postes ;
  • des éco­no­mies sur les postes et ser­vices en INSPÉ.

➢ Et elle a pour conséquences :

  • l’extinction pro­gres­sive de l’emploi sta­tu­taire, avec la mise en cause du carac­tère dis­ci­pli­naire des concours, la déqua­li­fi­ca­tion des aspi­rants ensei­gnants, la dis­lo­ca­tion de la for­ma­tion dans l’ « adap­ta­tion », la dis­pa­ri­tion à terme des concours nationaux ;
  • la mise en cause de la cohé­rence de la for­ma­tion avant le concours, arti­cu­lant recherche, ensei­gne­ment dis­ci­pli­naire, for­ma­tion pédagogique ;
  • la dis­pa­ri­tion de la for­ma­tion pro­fes­sion­nelle post-concours.

À tous points de vue, il est donc urgent d’arrêter cette réforme. La FNEC-FP FO appelle tous les col­lègues à se réunir, dans les INSPÉ, dans les uni­ver­si­tés, dans les jurys de concours,… pour prendre posi­tion net­te­ment pour l’abandon de l’ensemble de la réforme.

Mon­treuil, le 4 décembre 2020

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