Inclusion scolaire systématique : demande d’audience en urgence
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Montreuil, le 25 novembre 2022
Monsieur Pap NDIAYE
Ministre de l’Education nationale et de la Jeunesse
110 rue de Grenelle 75357 PARIS 07 SP
Objet : Inclusion scolaire systématique – demande d’audience en urgence
Monsieur le ministre,
La FNEC FP-FO vous demande audience pour évoquer avec vous les conséquences de l’inclusion scolaire systématique et porter la demande de création massive de places dans les établissements sociaux et médico-sociaux. Les informations qui remontent à notre Fédération sont en effet particulièrement alarmantes.
En Indre-et-Loire, par exemple, il a été annoncé au CDEN que pour cette année 1 100 élèves sont en attente de places en ITEP, IME ou SESSAD.
L’année dernière, en 2021–2022, 184 élèves de l’Ain et 654 élèves du Rhône bénéficiant d’une notification pour être scolarisés dans un établissement social ou médico-social ne pouvaient y être scolarisés faute de places. Toujours dans l’Ain, les délais pour une place en SESSAD notifiée par la MDPH s’allongent et peuvent être de 6 à 8 ans. Dans l’Eure, un élève bénéficiant d’une notification en IME ou en ITEP doit attendre entre 2 et 5 ans pour y trouver une place. Même constat dans les Landes où le CDEN du 7 novembre a adopté un avis demandant aux autorités publiques « de prendre, dans les meilleurs délais, toutes les mesures nécessaires et indispensables pour une augmentation sensible du nombre de places dans les structures médicosociales du département. » Dans l’Hérault, notre syndicat le SNUDI-FO 34 a pris l’initiative d’une pétition exigeant la création de 1 000 places en établissements spécialisés.
La situation aujourd’hui est intenable dans les écoles et les établissements dits « ordinaires ». Les milliers d’élèves qui bénéficient d’une notification pour être scolarisés en ITEP, en IME, en IMPro… et qui ne peuvent y être affectés faute de places se retrouvent dans le « meilleur » des cas en ULIS (à la place d’élèves qui, eux, relèvent d’ULIS) et le plus souvent dans des classes, souvent bien chargées, avec ou sans AESH.
Et au-delà des situations attestées, c’est toute la question des besoins des élèves non pris en charge qui est soulevée, les parents ne faisant pas toujours les démarches d’une reconnaissance des difficultés de leur enfant et des affectations d’élèves étant réalisées sans prise en compte de leurs problématiques de santé ou de leurs troubles comportementaux, pourtant signalés par les équipes.
D’autres élèves, qui peuvent eux tout à fait être scolarisés dans des écoles ou établissements dits « ordinaires », ne bénéficient pas de l’accompagnement dont ils auraient besoin du fait des notifications MDPH mutualisées, du nombre d’heures d’accompagnement attribuées par élève qui diminue sans cesse, notamment depuis la mise en place des PIAL, et du manque criant d’AESH, personnels qui ne bénéficient toujours pas d’un vrai statut et d’un vrai salaire. Les conséquences sont dramatiques, en premier lieu pour ces élèves en situation de handicap, qui se retrouvent souvent en grande souffrance, mais aussi pour les autres élèves et pour les personnels, qui ne peuvent plus enseigner et assurer les progrès de tous leurs élèves. Les conditions d’apprentissage des élèves et les conditions de travail des personnels, enseignants ou AESH, sont ainsi dégradées parfois de manière insupportable. Et ce n’est pas le Pial, imposé à tous et présenté comme la panacée, qui va permettre la résolution de ces problématiques. Ce dispositif n’est qu’un transfert de responsabilité vers les établissements, désormais seuls en première ligne face aux difficultés d’exercice des AESH et à l’incompréhension et le mécontentement des familles.
La situation est tout aussi insupportable dans les lycées professionnels qui accueillent 75% des élèves à besoins particuliers en lycée, sans pour autant recevoir 75% des moyens. La mutualisation y est devenue la règle. La voie professionnelle est le réceptacle de tous les élèves dont l’École ne peut assumer le projet, une voie par défaut pour ces jeunes que l’on ne sait plus orienter, dont bon nombre ne peut partir en période de formation en milieu professionnel faute d’accompagnement.
Partout les enseignants spécialisés, les PsyEN, les infirmières et les médecins de l’Education nationale manquent. Pour ceux qui sont en place, l’inclusion systématique entraîne un glissement des tâches qui les empêchent d’accomplir leur mission.
Vous ne pouvez pas ignorer ces situations qui se multiplient. Les registres santé et sécurité au travail, les registres danger grave et imminent, remplis en nombre par des collègues à bout, en attestent.
Pour la FNEC FP-FO chaque élève en situation de handicap a droit à des conditions d’apprentissage adaptées, en classe dite « ordinaire » lorsque c’est possible avec les heures d’accompagnement nécessaires, et en établissement social et médico-social lorsque ça ne l’est pas et que ces élèves disposent d’une notification. Ne pas respecter ces droits s’apparente à de la maltraitance. Pour la FNEC FP-FO, chaque enseignant, chaque AESH, a le droit d’exercer ses fonctions sans avoir à subir quotidiennement dans la classe des situations intenables. Cela doit s’arrêter. Tout comme doit s’arrêter l’insupportable culpabilisation des personnels qui signalent des incidents graves dans leur classe et que l’institution renvoie bien souvent à leur pédagogie.
La scolarisation de certains élèves en situation de handicap dans des établissements sociaux et médico-sociaux a certes un coût, sans doute bien plus élevé que dans une classe ordinaire, mais, à ne pas décider d’un plan massif de créations de places dans ces établissements, à ne pas recruter et former massivement des personnels pour y exercer, vous porteriez la responsabilité de l’amplification de la catastrophe en cours dans les écoles et les établissements.
Il y a urgence. Nous vous demandons de recevoir en urgence une délégation de la FNEC FP-FO sur ces questions.
Je vous prie d’agréer, Monsieur le ministre, l’assurance de ma parfaite considération.
Clément POULLET, secrétaire général de la FNEC FP-FO