Intervention de Clément Poullet lors du CCN des 30 et 31 mars 2022
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Notre congrès confédéral se tiendra un mois après le second tour des élections présidentielles.
Quel que soit le président élu, le capital financier voudra que soit appliqué son programme : poursuivre l’œuvre de démolition de la protection sociale collective et des retraites par répartition, liquider les 42 régimes, dynamiter le Statut général de la Fonction Publique, privatiser les services publics, démanteler nos hôpitaux, bref : faire table rase de tous nos acquis.
Quel que soit le président élu, le capital financier voudra faire payer aux travailleurs et aux peuples – y compris au peuple ukrainien qu’il prétend défendre – les décisions prises par les chefs d’État européens à Versailles, le 18 mars, à commencer par l’augmentation des budgets militaires. Des décisions parfaitement résumées par la première ministre suédoise, qui a déclaré : « Je voudrais bien utiliser l’argent des contribuables pour l’école, pour les retraites, mais il faut financer l’effort militaire. »
Macron en un claquement de doigts vient de débloquer 9 milliards d’euros pour le budget militaire. Lui aussi fait le choix de l’enrôlement plutôt que de l’instruction. D’une part, en souhaitant généraliser le Service national universel auquel nous sommes fermement opposés. D’autre part, en encourageant les étudiants à financer leurs études en devenant réservistes pour l’armée en échange de 2 500 euros par an et le financement du permis de conduire.
Cette offensive contre la jeunesse et contre le droit à l’instruction n’a pour objectif que de faire baisser toujours plus le coût du travail.
L’école publique et les statuts sont le cœur de cible. Ces dernières semaines, le président Macron a présenté son projet de privatisation et de destruction de l’enseignement public :
- offrir le sort de centaines de milliers de jeunes aux besoins immédiats du patronat local, et liquider au passage les lycées professionnels déjà menacés par le développement de l’apprentissage,
- « en finir avec la quasi-gratuité de l’université. » Et donc, fermer la porte de l’enseignement supérieur à des centaines de milliers de jeunes,
- Faire entrer dans l’école les associations, les collectivités et les entreprises…
E. Macron a d’ailleurs fait de Marseille le laboratoire de son « école du futur ».
Dans 59 écoles marseillaises, les enseignants sont recrutés localement sur la base de « projets éducatifs » spécifiques en fonction des groupes de pression présents dans les quartiers, et au détriment de l’égalité des droits des élèves à une même instruction garantie par des personnels protégés par leur Statut de fonctionnaire d’État.
Il s’agit bien d’aggraver toutes les mesures de territorialisation prises par les gouvernements successifs, et contre lesquelles les personnels résistent toujours, et qui se traduisent toujours par des suppressions de classes et de postes.
Et que dire des mots prononcés par le président candidat : « J’assume plusieurs systèmes de rémunération car tous ne font pas la même chose. Vous avez des enseignants qui pendant le covid se sont occupés de leurs élèves, et des enseignants qui ont disparu » !
S’il est réélu, E. Macron proposera un contrat aux enseignants avec le salaire au mérite. Il conditionne l’augmentation des rémunérations à des tâches supplémentaires sous la férule des élus locaux.
Cette logique contractuelle entre en parfaite cohérence avec la volonté d’en finir avec le recrutement « à vie » des enseignants par la suppression des concours.
La casse du Statut, c’est aussi la destruction du Code des pensions civiles et militaires et qui reste à l’ordre du jour, comme l’a clairement annoncé la ministre « ex-AXA » de Montchalin.
La mobilisation historique du 13 janvier a exprimé un puissant mouvement de colère des personnels de toutes catégories contre le chaos organisé par le gouvernement Macron- Blanquer. Les grévistes, largement soutenus par les parents, ont opposé leurs revendications urgentes : pour des créations massives de postes statutaires, l’augmentation de tous les salaires, le respect des missions, l’arrêt du flicage permanent par les évaluations et les formations imposées, le rétablissement d’un baccalauréat national, un vrai statut et un vrai salaire pour les contractuels, les AED, les AESH…
La Confédération Force Ouvrière, à l’opposé de toute forme de collaboration, a donc une responsabilité dans la situation. Et je dirais : notre indépendance et notre existence sont un enjeu de la situation. Fidèles à notre indépendance, par-delà nos différences, nous devrons être en ordre de marche pour résister à l’offensive qui s’annonce contre nos acquis, en particulier les retraites.
Et donc maintenir des revendications claires, les maintenir maintenant, dans ce CCN, et après, quel que soit le gouvernement qui sortira des élections.
Alors soyons lucides : ils chercheront à déstabiliser, voire à faire disparaître tous ceux qui refuseront d’accompagner les décisions des gouvernements. Et donc ils chercheront à remettre en cause le syndicalisme libre et indépendant issu de la charte d’Amiens.
C’est ce que nous devons avoir à l’esprit à la veille du Congrès confédéral.
C’est ce que nous avons tous à l’esprit maintenant, alors que nous préparons les élections professionnelles dans la Fonction publique qui auront lieu dans huit mois.
La première et la plus urgente de nos tâches est de tout mettre en œuvre pour que la cgt-FO puisse continuer à occuper toute sa place, en déposant le maximum de listes FO dans les CAP et les CSA, et en nous assurant d’un maximum de voix FO par le développement de la syndicalisation.
C’est une nécessité pour l’École publique, comme pour toutes les conquêtes ouvrières.