Inter­ven­tion de M. Blan­quer sur France Info sur l’épidémie de Coronavirus

15 Mar, 2020Non clas­sé

Mon­sieur le Ministre,

Nous avons écou­té votre inter­ven­tion sur France Info ce matin. Encore une fois, la plu­part des déci­sions sont ren­voyées au niveau local, les chefs d’établissements, les IEN étant char­gés d’organiser la pré­sence des personnels.

Or, jusqu’à main­te­nant l’absence de cadrage natio­nal a pro­vo­qué une grande confu­sion, une hété­ro­gé­néi­té des consignes don­nées aux per­son­nels. La ques­tion de la col­lègue AESH sur France Info ne com­pre­nant pas pour­quoi sa pré­sence était exi­gée à l’école en est l’illustration, et votre réponse est pour le moins floue : « il est pos­sible que vous puis­siez res­ter chez vous. » 

Cer­tains de vos pro­pos ont atti­ré notre atten­tion en par­ti­cu­lier : « L’objectif n’était pas de faire venir les pro­fes­seurs dans l’immense majo­ri­té des cas. » La qua­si-tota­li­té sera pré­sente sur la base du volontariat.

C’est pour­quoi nous deman­dons de votre part une consigne natio­nale, dans les meilleurs délais, indiquant :

- que toutes les réunions convo­quées demain seront annulées,

- que tous les conseils de classe et réunions d’équipes en pré­sen­tiels seront annulés,

- que la pré­sence des per­son­nels se fera sur la base du volon­ta­riat, comme vous l’avez indi­qué. « Une per­sonne qui n’est pas volon­taire ne doit pas venir », notam­ment « si elle n’est pas à l’aise psy­cho­lo­gi­que­ment avec cette situa­tion ». Une telle direc­tive minis­té­rielle per­met­tra qu’aucune pres­sion locale ne s’exerce sur un agent qui ne sou­haite pas venir.

- que tous les lycées seront tota­le­ment fer­més aux élèves et per­son­nels : vous avez en effet indi­qué que le ser­vice mini­mum pour les enfants des per­son­nels soi­gnants ne concer­ne­ra que les petites classes : écoles pri­maires et collèges.

- que les col­lègues AESH ne soient pas mobi­li­sés pour d’autres mis­sions que celles figu­rant dans leurs contrats. S’il n’y pas d’élèves noti­fiés MDPH, l’administration n’a aucune rai­son d’exiger leur pré­sence. Il en est de même pour les AED, les CPE, les pro­fes­seurs docu­men­ta­listes, les PSYen.

Les ser­vices de can­tine de gar­de­rie et d’activités péri­sco­laires vont être inter­rom­pus dans l’immense majo­ri­té. Les col­lec­ti­vi­tés ont fait le choix de mettre tous leurs agents en arrêt de tra­vail pour assu­rer leur pro­tec­tion. Dès lors nous vous deman­dons de rap­pe­ler que les per­son­nels pré­sents ne sont pas res­pon­sables des élèves sur ce temps hors temps scolaire.

Vous n’avez pas par­lé des per­son­nels ATSS. Les ser­vices décon­cen­trés seront-ils fer­més ? Devront-ils se rendre dans les EPLE ? Devront-ils rece­voir du public ? Quelles mesures sont prises pour les protéger ?

Nous deman­dons un trai­te­ment iden­tique pour tous les per­son­nels et non pas au bon vou­loir du supé­rieur hié­rar­chique. Nous avons consta­té des pres­sions ici et là pour obli­ger les per­son­nels ATSS à s’or­ga­ni­ser pour faire gar­der leurs enfants.

Concer­nant la garde des enfants des per­son­nels soi­gnants, la FNEC FP-FO consi­dère que cette mesure va bien au-delà des mis­sions des ensei­gnants puis­qu’elle ne relève abso­lu­ment pas de péda­go­gie ou d’ap­pren­tis­sage, mais d’un dis­po­si­tif de type “gar­de­rie”. Dans le cadre de la soli­da­ri­té natio­nale évo­quée par le gou­ver­ne­ment, cette mesure ne sau­rait concer­ner les seuls ensei­gnants. Les moda­li­tés doivent être défi­nies par les per­son­nels médi­caux com­pé­tents (est-il rai­son­nable de regrou­per une dizaine d’en­fants de soi­gnants dans un même lieu ?) et ne peuvent repo­ser que sur un appel à volon­ta­riat avec la mise en place de toutes les mesures de sécu­ri­té nécessaires.

« La san­té des per­son­nels de l’Éducation natio­nale est la pre­mière de mes pré­oc­cu­pa­tions » (Jean-Michel Blan­quer, France infos, 15 mars)

C’est sur­tout votre res­pon­sa­bi­li­té en tant qu’employeur, c’est une obli­ga­tion sta­tu­taire. À aucun moment depuis le début de la crise sani­taire le CHSCT minis­té­riel n’a été consulté.

Nous sou­hai­tons rap­pe­ler que le droit de retrait doit pou­voir s’exercer dès lors qu’un per­son­nel a un motif rai­son­nable de pen­ser que sa san­té ou sa vie sont en dan­ger. Il n’est pas dans les pré­ro­ga­tives de l’administration de contes­ter a prio­ri ce droit. Si celle-ci le conteste, ce doit être sur la base d’une enquête asso­ciant les membres du CHSCT et la réunion d’un CHSCT. Nous vous deman­dons donc de réac­tua­li­ser la FAQ en fonc­tion de ces éléments.

Dans cer­tains éta­blis­se­ments qui sont bureaux de vote ce dimanche, il ne sera pas pro­cé­dé à une dés­in­fec­tion des lieux sauf à deman­der au per­son­nel ouvrier de le faire un dimanche soir et sans pro­tec­tion, ce qui est scan­da­leux. Nous deman­dons que tous les éta­blis­se­ments sco­laires bureaux de vote soient fer­més lun­di 16 mars.

Le virus ne s’arrête pas à la porte des éta­blis­se­ments sco­laires ! Il cir­cule déjà dans de nom­breux éta­blis­se­ments, écoles et ser­vices et uni­ver­si­tés (comme celle de Saint-Étienne où 6 cas de Coro­na­vi­rus ont été décla­rés) que l’administration a refu­sé de fer­mer, mal­gré les droits de retrait ! La FNEC FP-FO demande que soit com­mu­ni­quée la liste des éta­blis­se­ments où des cas d’infection ont été consta­tés… Elle demande que ces éta­blis­se­ments soient fermés.

Les per­son­nels vont être en contact direct avec des enfants dont les parents soi­gnants seront en contact avec des malades du coro­na­vi­rus : n’est-ce pas dan­ge­reux pour la san­té des collègues ?

Nous deman­dons des masques de pro­tec­tion pour tous les per­son­nels qui accueille­ront des enfants ou des familles. Dans beau­coup d’écoles et d’établissements, il n’y a pas de gel hydro­al­coo­lique. Vous par­lez de dis­tance de sécu­ri­té, mais vous n’ignorez pas que pour aller au tra­vail, des mil­liers de per­son­nels prennent le métro, les trans­ports en com­mun : com­ment font-ils pour prendre leurs dis­tances de sécu­ri­té ? Le Pre­mier ministre l’a rap­pe­lé : « nous devons impé­ra­ti­ve­ment limi­ter les dépla­ce­ments, les réunions, les contacts.

Pou­vez-vous assu­rer que tous les per­son­nels à risque seront contac­tés par les ser­vices de pré­ven­tion, que tous ceux dont la san­té ou la patho­lo­gie le néces­site béné­fi­cie­ront des mesures d’é­loi­gne­ment du tra­vail et qu’ils béné­fi­cient du sui­vi médi­cal comme pré­vu par le décret 82–453 modifié ?

Concer­nant le télé­tra­vail, nous rap­pe­lons que le décret n° 2016-151 du 11 février 2016 fixe les moda­li­tés et les condi­tions de mises en œuvre du télé­tra­vail dans la Fonc­tion publique. Ces textes indiquent que doivent être res­pec­tés notam­ment le volon­ta­riat de l’agent, la four­ni­ture de maté­riel, l’organisation du tra­vail, le décompte du temps de tra­vail. 

Ven­dre­di 13 mars, vous avez dit que les ensei­gnants qui n’ont pas de solu­tion de garde, ou les per­son­nels fra­giles pour­ront res­ter chez eux. En ajou­tant : « Ils seront en télé­tra­vail » : pour la FNEC FP-FO, ce n’est pas accep­table : les per­son­nels qui gardent leurs enfants doivent béné­fi­cier d’une auto­ri­sa­tion spé­ciale d’absence (ASA 1950). Ils gardent leur enfant. Ils ne tra­vaillent pas.

Ces ques­tions urgentes appellent des réponses urgentes.

En tout état de cause la FNEC FP-FO condam­ne­ra toute ten­ta­tive d’utiliser la crise sani­taire pour remettre en cause les sta­tuts et les liber­tés fondamentales.

Elle n’oublie pas que c’est à l’occasion d’un Conseil des ministres des­ti­né à faire face à la mala­die que le gou­ver­ne­ment a uti­li­sé l’article 49.3 pour impo­ser, « au nom de la démo­cra­tie », une réforme des retraites reje­tée par l’immense majorité.

Dans l’attente de votre réponse, veuillez rece­voir, Mon­sieur le Ministre, l’expression de notre entière considération.

Clé­ment POULLET, Secré­taire Géné­ral de la FNEC FP-FO

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