Lettre ouverte au ministre de l’Éducation nationale

9 Juil, 2019Non clas­sé

Vous trou­ve­rez ci-des­sous la décla­ra­tion que la FNEC FP-FO avait pré­vu de lire lors de la réunion inter­syn­di­cale convo­quée par le ministre de l’Education natio­nale le 8 juillet 2019, pour évo­quer son agen­da social. « Compte-tenu du contexte », le ministre a annu­lé cette réunion. Nous publions cette décla­ra­tion sous forme de lettre ouverte.

Mon­sieur le Ministre,

Jeu­di 4 juillet, la loi « Ecole de la Confiance », mas­si­ve­ment reje­tée par les per­son­nels a été défi­ni­ti­ve­ment adoptée.

Ce même jour – c’est un fait inédit – des cen­taines de jurys de bac­ca­lau­réat ont adop­té des motions et refu­sé de par­ti­ci­per à la fal­si­fi­ca­tion des notes du bac­ca­lau­réat que vous avez ten­té d’imposer, en intro­dui­sant une part de contrôle conti­nu, c’est-à-dire le nou­veau bac­ca­lau­réat avant l’heure, et contre lequel se mobi­lisent les ensei­gnants depuis des mois. Des cor­rec­teurs ont déci­dé de rejoindre la grève. Des pré­si­dents, uni­ver­si­taires comme vous le savez, ont refu­sé de pré­si­der en réac­tion à l’introduction du contrôle conti­nu et à la remise en cause de la sou­ve­rai­ne­té des jurys.

Ce même jour, vous affir­miez que vous res­tiez ouvert au dialogue.

Quand un décret est reje­té una­ni­me­ment par les orga­ni­sa­tions syn­di­cales, quand une loi est reje­tée par une grande majo­ri­té des orga­ni­sa­tions syn­di­cales, quand des per­son­nels sont déter­mi­nés à agir pour l’abandon de vos contre-réformes, vous vous pré­ci­pi­tez pour publier ces mêmes décrets, ces mêmes lois et pour appli­quer ces contre-réformes. Est-ce cela le dia­logue social dont vous nous parlez ?

Pour­quoi dès lors mul­ti­plier les « concer­ta­tions », les groupes de tra­vail, si ce n’est pour faire pas­ser les orga­ni­sa­tions syn­di­cales de l’autre côté de la table, et leur deman­der d’entériner des décrets d’application de lois qui sou­vent ne sont pas encore votées ?

La FNEC FP-FO, qui n’est pas un corps inter­mé­diaire, consi­dère que cette méthode s’oppose au

res­pect de l’état de droit et de la démocratie.

En réa­li­té, le dia­logue social dont vous nous par­lez est un théâtre d’ombres. Vous n’écoutez per­sonne. Les seules réponses sont l’invective, la menace et la répression.

Ce ne sont pas les per­son­nels qui sont res­pon­sables de la remise en cause du bac­ca­lau­réat comme diplôme natio­nal, pas plus qu’ils ne sont res­pon­sables d’une situa­tion où ils n’ont pas d’autre choix que la grève pour se faire entendre.

Au contraire, en expri­mant leur refus des EPSF, leur refus du trans­fert des mis­sions d’instruction aux struc­tures pri­vés, leur refus des mutua­li­sa­tions, des fusions d’académies et des mil­liers de sup­pres­sions de postes, leur refus du tri social de Par­cour­sup et des EPLEI, leur refus dans les jurys

de rem­pla­cer les notes obte­nues au bac­ca­lau­réat par du contrôle conti­nu, les per­son­nels ont mon­tré leur atta­che­ment à notre modèle social républicain.

Vous seul por­tez la res­pon­sa­bi­li­té de cette situa­tion, de cette explo­sion de colère accu­mu­lée, à force de tour­ner le dos aux légi­times aspi­ra­tions et reven­di­ca­tions. Les per­son­nels de l’Education natio­nale, comme tous les agents, ont droit au respect.

Leurs reven­di­ca­tions doivent être enten­dues. Les pres­sions, les menaces, les inti­mi­da­tions indi­vi­duelles ne peuvent exis­ter dans une démo­cra­tie qui garan­tit le droit de grève et de reven­di­quer. Nier ces droits, c’est pas­ser sur un autre terrain.

C’est pour­quoi, nous deman­dons qu’aucune sanc­tion, aucun retrait sur salaire ne soient déci­dés à l’en­contre des cor­rec­teurs du bac­ca­lau­réat en grève.

Votre agen­da social ne répond pas aux reven­di­ca­tions des per­son­nels, ensei­gnants, admi­nis­tra­tifs, CPE, per­son­nels médi­co-sociaux, psyEN, per­son­nels d’encadrement. Il s’inscrit dans la loi de Trans­for­ma­tion de la Fonc­tion publique.

Com­ment ne pas faire le lien entre le recru­te­ment des AED pré­caires sur des missions

d’enseignement avec l’objectif de sub­sti­tuer le contrat au statut ?

Com­ment ne pas faire le lien entre la « RH de proxi­mi­té », outil de ges­tion des emplois et des com­pé­tences, avec les restruc­tu­ra­tions, les fer­me­tures de postes, au moment où le gou­ver­ne­ment s’apprête à sup­pri­mer les CHSCT et réduire les com­pé­tences des com­mis­sions admi­nis­tra­tives pari­taires ? Et comme le gou­ver­ne­ment veut sup­pri­mer 120.000 agents publics, il va regrou­per les ser­vices, chan­ger les mis­sions des per­son­nels, comme cela s’est pas­sé à France Télé­com, ou comme vous vou­lez l’imposer en fusion­nant les aca­dé­mies de Caen et de Rouen, on voit bien à quoi peuvent ser­vir le volet « accom­pa­gne­ment » du PPCR et la for­ma­tion conti­nue à l’initiative de l’autorité hiérarchique.

Cet agen­da social s’inscrit aus­si dans le cadre d’une poli­tique glo­bale. C’est la réforme de l’assurance chô­mage qui pri­ve­ra des cen­taines de mil­liers de chô­meurs de l’indemnité. C’est le pro­jet de réforme des retraites que le pré­sident de la Répu­blique vou­drait faire « ava­ler » aux ensei­gnants, en leur pro­met­tant une pseu­do-reva­lo­ri­sa­tion. Or, le pro­jet Dele­voye vise à cal­cu­ler les pen­sions, non plus sur le trai­te­ment indi­ciaire des six der­niers mois, mais sur l’ensemble des rému­né­ra­tions de toute la car­rière. Il vise à faire sau­ter un pilier essen­tiel du Sta­tut : le Code des pen­sions civiles et militaires.

L’enjeu de toutes ces réformes c’est bien le modèle social repo­sant sur des garan­ties col­lec­tives natio­nales construit grâce aux luttes reven­di­ca­tives depuis des dizaines d’année, c’est le modèle répu­bli­cain repo­sant sur le prin­cipe d’égalité des droits sur tout le ter­ri­toire natio­nal, construit grâce aux luttes reven­di­ca­tives menées depuis plus d’un siècle.

FO ne par­ti­ci­pe­ra pas à la construc­tion de vos réformes, mais res­te­ra du côté des per­son­nels. Par­tout, les per­son­nels sont déter­mi­nés et sou­dés sur leurs reven­di­ca­tions. Dans l’enseignement, dans les centres des finances publiques, tous les regards sont tour­nés vers la grève des urgences qui ne cesse de s’étendre.

Vous devez en tenir compte.

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