Lettre ouverte de la FNEC FP-FO de Mayotte à la ministre Élisabeth BORNE
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Lettre ouverte de la FNEC FP-FO de Mayotte à la ministre Élisabeth BORNE :
Avant la rentrée, les personnels de Mayotte exigent la satisfaction de leurs revendications
Madame la ministre de l’Éducation nationale,
Chaque jour, les personnels de l’académie de Mayotte constatent les dégâts causés par le cyclone CHIDO, aggravés par les pillages et les fortes pluies dans leur établissement. Consternés, ils soulignent que le pillage et les dégâts causés par les fortes pluies auraient pu être évités si les mairies avaient assuré la sécurité et la mise hors d’eau des locaux : à Kawéni, une école maternelle a été brûlée. « Cela était prévisible », disent les personnels, dévastés. Les pillages continuent encore aujourd’hui…
Dans les autres établissements, des dégradations des locaux, le matériel pédagogique est abîmé, du matériel manque… Les enseignants n’ont pas eu le temps de ranger leur salle de classe le vendredi 13 décembre. Les personnels regrettent que la décision de fermeture des établissements n’ait pas été prise et communiquée plus tôt.
Aux abords et à l’intérieur des établissements, les déchets et les gravats ne sont toujours pas triés et relevés. Les mouches, les moustiques, les rats se reproduisent : les enseignants redoutent les maladies telles que le chikungunya, la dengue, le paludisme et la leptospirose.
Dans un contexte où la saison cyclonique n’est pas terminée, où le risque sismique est prégnant, les personnels redoutent les accidents aux abords et à l’intérieur des établissements. Un mur s’est effondré sur un enfant dans le village de Kawéni le 4 janvier.
La FNEC FP-FO demande le report de l’ouverture des établissements tant que les travaux indispensables n’auront pas été effectués, tant que les conditions d’hygiène et de sécurité n’auront pas été validées par un organisme compétent, à commencer par la formation spécialisée : les mairies, qui n’ont jamais assuré l’hygiène et la sécurité dans les établissements et qui, aujourd’hui, tentent de minimiser les travaux à effectuer dans les écoles n’ont plus la confiance des enseignants.
L’urgence reste la protection des personnels, des élèves, de toute la population
Des familles, qui étaient hébergées dans les établissements scolaires, ont été évacuées par la mairie alors que leurs maisons ont été entièrement détruites. Elles se sentent en insécurité permanente et sont soumises aux aléas météorologiques. Sans solution, elles sont contraintes de reconstruire un abri avec des tôles tout en sachant les risques encourus. Des élèves nous informent que leurs effets scolaires ont été abîmés, voire perdus. Certaines familles n’ont pas accès à la distribution d’eau, aux pastilles de purification d’eau en raison d’une organisation catastrophique. Elles sont contraintes de boire l’eau des puits et des rivières, impropre à la consommation. Elles craignent le choléra.
Ce sont les personnels de l’Éducation nationale qui devront répondre aux besoins primaires des élèves et de leur famille au plus vite.
Des personnels et des élèves traumatisés
Les personnels sont marqués par la violence exceptionnelle du cyclone CHIDO, par les dégâts matériels, mais surtout par la catastrophe humanitaire qui s’ensuit. S’il faut le préciser, les élèves, les familles, une partie du personnel sont traumatisés. Ils ont vu des scènes effroyables. Chacun guette la météo, angoissé par le possible passage d’un autre cyclone. A la moindre alerte météo, c’est la panique.
Les voies de communication ne sont toujours pas sécurisées
La FNEC FP-FO alerte également sur les risques encourus par les élèves : partout, sur les sentiers, les chemins et les routes, des branches, des tôles, des clous, des débris de verre, des câbles et toutes sortes de déchets jonchent le sol. Les élèves ne doivent pas prendre le risque de se blesser tant que les voies de communication ne sont pas rendues praticables. Des personnels ont vu leur véhicule gravement endommagé par la tempête. Des assurances refusent de dédommager.
De plus, dans un contexte de saison des pluies, les personnels redoutent des accidents sur leur trajet domicile travail.
Des situations personnelles alarmantes
Des problèmes familiaux apparaissent : des conjoints ayant tout perdu dans la tempête, ayant perdu leur travail, font des projets dans d’autres départements. Il y aura des séparations. En état de choc, en situation d’éco-anxiété, certains n’arrivent plus à se projeter dans un avenir à Mayotte et ne veulent pas être jugés pour cela. Chacun fait ce qu’il peut depuis le passage du cyclone. Certains sont endeuillés.
D’autres hébergent des sinistrés chez eux, ils n’ont pas les moyens de travailler dans de bonnes conditions pour le moment sans électricité, sans réseau.
Nous demandons que l’aide d’urgence de 2000 euros soit attribuée à chaque agent. Lors de l’audience du 30 décembre, alors qu’un tiers des agents seulement avait pu être contacté, le ministère est parti du principe que tous avaient été sinistrés. Les conséquences de ce cyclone ont en effet touché l’ensemble des collègues, matériellement et/ou psychologiquement, quels que soient leur situation administrative et leur indice. Votre décision d’attribuer une aide exceptionnelle aux agents ayant un indice majoré inférieur ou égal à 448 est donc perçue comme discriminatoire, et visant à minimiser l’ampleur de la catastrophe. C’est insupportable.
Les limites ont été franchies, il faut arrêter de nous pressuriser !
Dès la fin de la tempête, les personnels ont porté secours aux sinistrés, d’autres ont participé et participent encore au nettoyage, à la distribution de vivres, aux soins, à la reconstruction… Certains auront géré jusqu’à des accouchements, des blessures, des fausses couches.
Il faudra laisser à chaque agent le temps de se reposer, de se remettre psychologiquement, car il n’y a pas eu de répit depuis le 14 décembre. Certains, épuisés physiquement et nerveusement, se disent désorientés : un réel suivi psychologique est nécessaire.
Ceux qui ont été évacués hors département redoutent le retour : il faut retrouver un logement sec, laisser son conjoint, ses enfants hors Mayotte pour que ces derniers puissent suivre une scolarité la plus normale possible.
Restés sur place, les autres vivent dans des conditions difficiles parfois avec des nourrissons : logements dégradés, biens matériels perdus, difficulté à se procurer des aliments de base. Certains n’ont toujours pas d’électricité, de réseau.
Les conditions sont loin d’être réunies pour que les personnels puissent reprendre le travail le 13 janvier.
S’agissant des personnels de direction pour une grande majorité d’entre eux, ils sont restés seuls pour accueillir la population au sein de leur établissement en attendant que les autorités locales interviennent. Leurs conditions de travail pendant les vacances scolaires ont été souvent épouvantables. Certains ont aussi tout perdu. La question de la bienveillance vis-à-vis de ces personnels est posée. Ils attendent autre chose que de vains mots tenus ici ou là lors de réunions médiatisées. Qu’en est-il de la reconnaissance de la Nation, vis-à-vis de ceux qui ont tout donné depuis le soir de la catastrophe et en se mettant en danger, jour et nuit ? Alors, essayons de faire les choses dans l’ordre et en tout premier lieu d’assurer l’accueil des élèves et des personnels en toute sécurité. Et osons une vraie reconnaissance du travail accompli : passage immédiat à l’échelon supérieur pour les Perdirs, et accès immédiat à la Hors-Classe pour tous les Perdirs promouvables au 1er janvier 2025.
Des solutions qui ne garantissent ni la sécurité des élèves et des personnels ni l’égalité des droits
La solution des « tentes-écoles » n’est pas souhaitable : chaleur intense, fortes pluies, risque d’intrusion. La sécurité des élèves et des personnels n’est pas assurée. A ce propos, les personnels ne souhaitent pas que des armes soient portées par des forces de l’ordre ou des agents de service de sécurité en présence des élèves.
Le système des rotations évoqué va engendrer d’importantes inégalités… Des élèves affaiblis ne sont pas en mesure de parcourir des kilomètres supplémentaires pour rejoindre un établissement qui n’est pas le leur pour quelques heures de cours : ils ne viendront pas tout simplement.
Nous demandons l’égalité de traitement entre les élèves qui auront droit à un enseignement en présentiel et ceux qui n’y auront pas droit. Suite à la COVID, nous mesurons les conséquences désastreuses sur les comportements des élèves, leurs résultats scolaires, les difficultés persistantes aujourd’hui encore.
L’État doit enfin prendre ses responsabilités et répondre aux demandes des personnels La FNEC FP-FO revendique :
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la mise à l’abri immédiate des familles et des élèves
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l’accès à de l’eau potable, le rétablissement de l’électricité, du réseau Internet
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une assistance médicale et psychologique pour tous ceux qui en ont besoin au plus près de la population
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le nettoyage des villages et de toutes les voies de communication
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la sécurisation des établissements
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la reconstruction des établissements détruits en tenant compte du nombre d’enfants sur le territoire avec une mise aux normes compte tenu des risques majeurs encourus par les élèves et les personnels (cyclone, séismes, intrusion)
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un système de purification de l’eau dans chaque établissement
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la construction de cantines pour que chaque élève puisse faire au moins un repas par jour
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la livraison de photocopieuses, de feuilles, de matériel pédagogique et d’effets scolaires par la mairie
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la construction des toilettes aux normes compte tenu des maladies pouvant s’y propager
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une proposition de relogement pour les personnels qui le demandent
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un réel suivi psychologique pour les personnels qui feront la demande
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l’extension de l’aide de 2 000 euros à tous les personnels : aucune discrimination n’est acceptable dans le contexte
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Élaboration d’un protocole d’alerte cyclonique dans le cadre des PPMS intégrant les plans ORSEC et les plans communaux de sauvegarde. Ce protocole devra mettre en place des formations
Enfin, lors de la venue des ministres le 30 décembre, la question de l’attractivité de Mayotte a été abordée. La FNEC FP-FO rappelle ses revendications :
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Augmentation de la valeur du point d’indice et abrogation de la réforme des retraites Macron- Borne
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Hausse du taux d’indexation des salaires pour compenser le coût de la vie
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Instauration de l’ASA (Avantage Spécifique d’Ancienneté) dans l’ensemble du département et accélération de carrière pour l’ensemble des personnels
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Extension de la reconnaissance REP+ à toutes les écoles et tous les établissements du département, y compris les lycées
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Plan massif de titularisation de tous les contractuels qui le souhaitent
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Prime d’aide logement pour tous les personnels et révision à la hausse de cette indemnité
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Revalorisation de la carrière des anciens agents de l’ex IERM, avec prise en compte de l’AGS
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Création d’une indemnité spécifique d’éloignement renforcée (ISE Mayotte), modulée en fonction de la durée d’exercice sur le territoire, pour encourager la stabilité et la continuité pédagogique.
Veuillez recevoir, Madame la ministre, nos salutations respectueuses.