Lettre ouverte de la FNEC FP-FO de Mayotte à la ministre Éli­sa­beth BORNE

7 Jan, 2025Com­mu­ni­qué

Lettre ouverte de la FNEC FP-FO de Mayotte à la ministre Éli­sa­beth BORNE :

Avant la ren­trée, les per­son­nels de Mayotte exigent la satis­fac­tion de leurs revendications

Madame la ministre de l’Éducation nationale,

Chaque jour, les per­son­nels de l’académie de Mayotte constatent les dégâts cau­sés par le cyclone CHIDO, aggra­vés par les pillages et les fortes pluies dans leur éta­blis­se­ment. Conster­nés, ils sou­lignent que le pillage et les dégâts cau­sés par les fortes pluies auraient pu être évi­tés si les mai­ries avaient assu­ré la sécu­ri­té et la mise hors d’eau des locaux : à Kawé­ni, une école mater­nelle a été brû­lée. « Cela était pré­vi­sible », disent les per­son­nels, dévas­tés. Les pillages conti­nuent encore aujourd’hui…

Dans les autres éta­blis­se­ments, des dégra­da­tions des locaux, le maté­riel péda­go­gique est abî­mé, du maté­riel manque… Les ensei­gnants n’ont pas eu le temps de ran­ger leur salle de classe le ven­dre­di 13 décembre. Les per­son­nels regrettent que la déci­sion de fer­me­ture des éta­blis­se­ments n’ait pas été prise et com­mu­ni­quée plus tôt.

Aux abords et à l’intérieur des éta­blis­se­ments, les déchets et les gra­vats ne sont tou­jours pas triés et rele­vés. Les mouches, les mous­tiques, les rats se repro­duisent : les ensei­gnants redoutent les mala­dies telles que le chi­kun­gu­nya, la dengue, le palu­disme et la leptospirose.

Dans un contexte où la sai­son cyclo­nique n’est pas ter­mi­née, où le risque sis­mique est pré­gnant, les per­son­nels redoutent les acci­dents aux abords et à l’intérieur des éta­blis­se­ments. Un mur s’est effon­dré sur un enfant dans le vil­lage de Kawé­ni le 4 janvier.

La FNEC FP-FO demande le report de l’ouverture des éta­blis­se­ments tant que les tra­vaux indis­pen­sables n’auront pas été effec­tués, tant que les condi­tions d’hygiène et de sécu­ri­té n’auront pas été vali­dées par un orga­nisme com­pé­tent, à com­men­cer par la for­ma­tion spé­cia­li­sée : les mai­ries, qui n’ont jamais assu­ré l’hygiène et la sécu­ri­té dans les éta­blis­se­ments et qui, aujourd’hui, tentent de mini­mi­ser les tra­vaux à effec­tuer dans les écoles n’ont plus la confiance des enseignants.

L’urgence reste la pro­tec­tion des per­son­nels, des élèves, de toute la population

Des familles, qui étaient héber­gées dans les éta­blis­se­ments sco­laires, ont été éva­cuées par la mai­rie alors que leurs mai­sons ont été entiè­re­ment détruites. Elles se sentent en insé­cu­ri­té per­ma­nente et sont sou­mises aux aléas météo­ro­lo­giques. Sans solu­tion, elles sont contraintes de recons­truire un abri avec des tôles tout en sachant les risques encou­rus. Des élèves nous informent que leurs effets sco­laires ont été abî­més, voire per­dus. Cer­taines familles n’ont pas accès à la dis­tri­bu­tion d’eau, aux pas­tilles de puri­fi­ca­tion d’eau en rai­son d’une orga­ni­sa­tion catas­tro­phique. Elles sont contraintes de boire l’eau des puits et des rivières, impropre à la consom­ma­tion. Elles craignent le choléra.

Ce sont les per­son­nels de l’Éducation natio­nale qui devront répondre aux besoins pri­maires des élèves et de leur famille au plus vite.

Des per­son­nels et des élèves traumatisés

Les per­son­nels sont mar­qués par la vio­lence excep­tion­nelle du cyclone CHIDO, par les dégâts maté­riels, mais sur­tout par la catas­trophe huma­ni­taire qui s’ensuit. S’il faut le pré­ci­ser, les élèves, les familles, une par­tie du per­son­nel sont trau­ma­ti­sés. Ils ont vu des scènes effroyables. Cha­cun guette la météo, angois­sé par le pos­sible pas­sage d’un autre cyclone. A la moindre alerte météo, c’est la panique.

Les voies de com­mu­ni­ca­tion ne sont tou­jours pas sécurisées

La FNEC FP-FO alerte éga­le­ment sur les risques encou­rus par les élèves : par­tout, sur les sen­tiers, les che­mins et les routes, des branches, des tôles, des clous, des débris de verre, des câbles et toutes sortes de déchets jonchent le sol. Les élèves ne doivent pas prendre le risque de se bles­ser tant que les voies de com­mu­ni­ca­tion ne sont pas ren­dues pra­ti­cables. Des per­son­nels ont vu leur véhi­cule gra­ve­ment endom­ma­gé par la tem­pête. Des assu­rances refusent de dédommager.

De plus, dans un contexte de sai­son des pluies, les per­son­nels redoutent des acci­dents sur leur tra­jet domi­cile travail.

Des situa­tions per­son­nelles alarmantes

Des pro­blèmes fami­liaux appa­raissent : des conjoints ayant tout per­du dans la tem­pête, ayant per­du leur tra­vail, font des pro­jets dans d’autres dépar­te­ments. Il y aura des sépa­ra­tions. En état de choc, en situa­tion d’éco-anxiété, cer­tains n’arrivent plus à se pro­je­ter dans un ave­nir à Mayotte et ne veulent pas être jugés pour cela. Cha­cun fait ce qu’il peut depuis le pas­sage du cyclone. Cer­tains sont endeuillés.

D’autres hébergent des sinis­trés chez eux, ils n’ont pas les moyens de tra­vailler dans de bonnes condi­tions pour le moment sans élec­tri­ci­té, sans réseau.

Nous deman­dons que l’aide d’urgence de 2000 euros soit attri­buée à chaque agent. Lors de l’audience du 30 décembre, alors qu’un tiers des agents seule­ment avait pu être contac­té, le minis­tère est par­ti du prin­cipe que tous avaient été sinis­trés. Les consé­quences de ce cyclone ont en effet tou­ché l’ensemble des col­lègues, maté­riel­le­ment et/ou psy­cho­lo­gi­que­ment, quels que soient leur situa­tion admi­nis­tra­tive et leur indice. Votre déci­sion d’attribuer une aide excep­tion­nelle aux agents ayant un indice majo­ré infé­rieur ou égal à 448 est donc per­çue comme dis­cri­mi­na­toire, et visant à mini­mi­ser l’ampleur de la catas­trophe. C’est insupportable.

Les limites ont été fran­chies, il faut arrê­ter de nous pressuriser !

Dès la fin de la tem­pête, les per­son­nels ont por­té secours aux sinis­trés, d’autres ont par­ti­ci­pé et par­ti­cipent encore au net­toyage, à la dis­tri­bu­tion de vivres, aux soins, à la recons­truc­tion… Cer­tains auront géré jus­qu’à des accou­che­ments, des bles­sures, des fausses couches.

Il fau­dra lais­ser à chaque agent le temps de se repo­ser, de se remettre psy­cho­lo­gi­que­ment, car il n’y a pas eu de répit depuis le 14 décembre. Cer­tains, épui­sés phy­si­que­ment et ner­veu­se­ment, se disent déso­rien­tés : un réel sui­vi psy­cho­lo­gique est nécessaire.

Ceux qui ont été éva­cués hors dépar­te­ment redoutent le retour : il faut retrou­ver un loge­ment sec, lais­ser son conjoint, ses enfants hors Mayotte pour que ces der­niers puissent suivre une sco­la­ri­té la plus nor­male possible.

Res­tés sur place, les autres vivent dans des condi­tions dif­fi­ciles par­fois avec des nour­ris­sons : loge­ments dégra­dés, biens maté­riels per­dus, dif­fi­cul­té à se pro­cu­rer des ali­ments de base. Cer­tains n’ont tou­jours pas d’électricité, de réseau.

Les condi­tions sont loin d’être réunies pour que les per­son­nels puissent reprendre le tra­vail le 13 janvier.

S’agissant des per­son­nels de direc­tion pour une grande majo­ri­té d’entre eux, ils sont res­tés seuls pour accueillir la popu­la­tion au sein de leur éta­blis­se­ment en atten­dant que les auto­ri­tés locales inter­viennent. Leurs condi­tions de tra­vail pen­dant les vacances sco­laires ont été sou­vent épou­van­tables. Cer­tains ont aus­si tout per­du. La ques­tion de la bien­veillance vis-à-vis de ces per­son­nels est posée. Ils attendent autre chose que de vains mots tenus ici ou là lors de réunions média­ti­sées. Qu’en est-il de la recon­nais­sance de la Nation, vis-à-vis de ceux qui ont tout don­né depuis le soir de la catas­trophe et en se met­tant en dan­ger, jour et nuit ? Alors, essayons de faire les choses dans l’ordre et en tout pre­mier lieu d’assurer l’accueil des élèves et des per­son­nels en toute sécu­ri­té. Et osons une vraie recon­nais­sance du tra­vail accom­pli : pas­sage immé­diat à l’échelon supé­rieur pour les Per­dirs, et accès immé­diat à la Hors-Classe pour tous les Per­dirs pro­mou­vables au 1er jan­vier 2025.

Des solu­tions qui ne garan­tissent ni la sécu­ri­té des élèves et des per­son­nels ni l’égalité des droits

La solu­tion des « tentes-écoles » n’est pas sou­hai­table : cha­leur intense, fortes pluies, risque d’intrusion. La sécu­ri­té des élèves et des per­son­nels n’est pas assu­rée. A ce pro­pos, les per­son­nels ne sou­haitent pas que des armes soient por­tées par des forces de l’ordre ou des agents de ser­vice de sécu­ri­té en pré­sence des élèves.

Le sys­tème des rota­tions évo­qué va engen­drer d’importantes inéga­li­tés… Des élèves affai­blis ne sont pas en mesure de par­cou­rir des kilo­mètres sup­plé­men­taires pour rejoindre un éta­blis­se­ment qui n’est pas le leur pour quelques heures de cours : ils ne vien­dront pas tout simplement.

Nous deman­dons l’égalité de trai­te­ment entre les élèves qui auront droit à un ensei­gne­ment en pré­sen­tiel et ceux qui n’y auront pas droit. Suite à la COVID, nous mesu­rons les consé­quences désas­treuses sur les com­por­te­ments des élèves, leurs résul­tats sco­laires, les dif­fi­cul­tés per­sis­tantes aujourd’hui encore.

L’État doit enfin prendre ses res­pon­sa­bi­li­tés et répondre aux demandes des per­son­nels La FNEC FP-FO revendique :

  • la mise à l’abri immé­diate des familles et des élèves

  • l’accès à de l’eau potable, le réta­blis­se­ment de l’électricité, du réseau Internet

  • une assis­tance médi­cale et psy­cho­lo­gique pour tous ceux qui en ont besoin au plus près de la population

  • le net­toyage des vil­lages et de toutes les voies de communication

  • la sécu­ri­sa­tion des établissements

  • la recons­truc­tion des éta­blis­se­ments détruits en tenant compte du nombre d’enfants sur le ter­ri­toire avec une mise aux normes compte tenu des risques majeurs encou­rus par les élèves et les per­son­nels (cyclone, séismes, intrusion)

  • un sys­tème de puri­fi­ca­tion de l’eau dans chaque établissement

  • la construc­tion de can­tines pour que chaque élève puisse faire au moins un repas par jour

  • la livrai­son de pho­to­co­pieuses, de feuilles, de maté­riel péda­go­gique et d’effets sco­laires par la mairie

  • la construc­tion des toi­lettes aux normes compte tenu des mala­dies pou­vant s’y propager

  • une pro­po­si­tion de relo­ge­ment pour les per­son­nels qui le demandent

  • un réel sui­vi psy­cho­lo­gique pour les per­son­nels qui feront la demande

  • l’extension de l’aide de 2 000 euros à tous les per­son­nels : aucune dis­cri­mi­na­tion n’est accep­table dans le contexte

  • Éla­bo­ra­tion d’un pro­to­cole d’alerte cyclo­nique dans le cadre des PPMS inté­grant les plans ORSEC et les plans com­mu­naux de sau­ve­garde. Ce pro­to­cole devra mettre en place des formations

Enfin, lors de la venue des ministres le 30 décembre, la ques­tion de l’attractivité de Mayotte a été abor­dée. La FNEC FP-FO rap­pelle ses revendications :

  • Aug­men­ta­tion de la valeur du point d’indice et abro­ga­tion de la réforme des retraites Macron- Borne

  • Hausse du taux d’indexation des salaires pour com­pen­ser le coût de la vie

  • Ins­tau­ra­tion de l’A­SA (Avan­tage Spé­ci­fique d’An­cien­ne­té) dans l’en­semble du dépar­te­ment et accé­lé­ra­tion de car­rière pour l’ensemble des personnels

  • Exten­sion de la recon­nais­sance REP+ à toutes les écoles et tous les éta­blis­se­ments du dépar­te­ment, y com­pris les lycées

  • Plan mas­sif de titu­la­ri­sa­tion de tous les contrac­tuels qui le souhaitent

  • Prime d’aide loge­ment pour tous les per­son­nels et révi­sion à la hausse de cette indemnité

  • Reva­lo­ri­sa­tion de la car­rière des anciens agents de l’ex IERM, avec prise en compte de l’AGS

  • Créa­tion d’une indem­ni­té spé­ci­fique d’éloignement ren­for­cée (ISE Mayotte), modu­lée en fonc­tion de la durée d’exercice sur le ter­ri­toire, pour encou­ra­ger la sta­bi­li­té et la conti­nui­té pédagogique.

Veuillez rece­voir, Madame la ministre, nos salu­ta­tions respectueuses.

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