Mayotte : le ministère toujours pas à la hauteur ! Compte-rendu des groupes de travail au ministère
Temps de lecture : ( mots)
Alors que depuis le 20 janvier, les personnels ont fait grève avec une manifestation massive lors de la venue de la ministre Borne à Mamoudzou, le ministère a convié les organisations syndicales à une suite de GT, réunions et instances sur Mayotte et la situation d’urgence qui y règne après le cyclone. L’analyse du gouvernement et les mesures prises ou envisagées sont en décalage total avec les témoignages des camarades sur place.
Après une lettre adressée début janvier à la ministre, la FNEC FP-FO accompagnée par l’expertise de nos camarades mahorais a rappelé que la situation sur place était avant tout le résultat de la défaillance de l’État. Nous avons tenu à préciser également que pour notre fédération, ces réunions devaient avant tout se tenir avec les représentants des personnels de Mayotte, et qu’avant même de parler d’examens ou d’attractivité, l’urgence était d’accéder aux revendications des personnels :
-
Hausse du taux d’indexation des salaires pour compenser le coût de la vie
-
Une véritable prime Chido de 2000 € pour tous, quel que soit l’indice, tout de suite et sans chantage au dossier ou clause d’exclusion
-
Instauration de l’ASA (Avantage Spécifique d’Ancienneté) dans l’ensemble du département et accélération de carrière pour l’ensemble des personnels
-
Extension de la reconnaissance REP+ à toutes les écoles et tous les établissements du département, y compris les lycées
-
Plan massif de titularisation de tous les contractuels qui le souhaitent
-
Prime d’aide au logement pour tous les personnels et révision à la hausse de cette indemnité
-
Revalorisation de la carrière des agents de l’ex-IERM, avec prise en compte de l’AGS
-
Création d’une indemnité spécifique d’éloignement renforcée (ISE Mayotte), modulée en fonction de la durée d’exercice sur le territoire, pour encourager la stabilité et la continuité pédagogique.
-
Construction d’écoles et d’établissements pour tous les enfants présents sur l’île
-
Aucun jour de carence pour les agents qui auraient pris des congés maladie suite au cyclone
-
Une action sociale d’urgence effective, avec par exemple des prêts à taux 0
-
Arrêt de la pression à la reprise exercée sur les personnels avec des autorisations d’absence accordées sans exception, quand le quotidien est avant tout de retrouver un toit ou un semblant de normalité.
Réunion examens et PFMP
L’administration souhaitait entendre les idées et les propositions des organisations syndicales sur l’organisation des examens et des PFMP avec comme point de départ ce qui a pu être fait en Nouvelle- Calédonie et pendant le Covid, même si à ce stade pour le ministère le manque de temps d’enseignement sera moins important. Même s’ils admettent que cette réunion se tient prématurément, il faudra prendre des textes au niveau ministériel.
Parfois contre l’avis d’autres organisations, qui s’engouffraient déjà dans du contrôle continu total ou du renforcement pédagogique, la FNEC FP-FO a insisté sur la nécessité, avant d’envisager des aménagements, que l’État prenne ses responsabilités et fasse en sorte que les agents et les élèves retrouvent un semblant de normalité, si tant est qu’on puisse parler de normalité pour la situation de Mayotte. Tout doit être fait pour que la fin d’année se déroule le plus normalement possible.
Pour ce qui est des PFMP, sur une île dévastée, il sera compliqué de trouver des lieux de stage et des entreprises en capacité d’accueillir. Toutefois, il est important que les diplômes gardent leur spécificité professionnelle et que les adaptations collent au profil des élèves de la voie professionnelles. Envisager uniquement des cours ou du renforcement voire des études de cas semble inadapté à la situation.
Nous avons porté la demande d’une adaptation du seuil minimal de semaines de PFMP permettant aux élèves de se présenter aux examens, une possibilité d’adapter les secteurs d’activité pour qu’ils puissent autant que faire se peut continuer de pratiquer. De même, il faudrait envisager que certaines activités des élèves puissent être valorisées au titre des PFMP et prises en compte comme pratique en milieu professionnel. Pour la FNEC FP-FO, comme pour son syndicat de la voie professionnelle, la situation des élèves de terminale qui sont déjà avancés dans leurs séquences de PFMP est différente de celle des classes montantes, pour qui il faudra l’adaptation. L’idée reste bien que les élèves soient le moins lésés possible et que leur diplôme et la valeur de celui-ci ne soient pas dévalorisés par la situation.
GT « attractivité »
Même principe pour le ministère, il s’agit d’un premier tour de table pour entendre les organisations syndicales, toutes les questions ne pourront pas être abordées, il y aura d’autres GT. Le constat que fait l’administration est que l’attractivité est complètement dégradée et encore en recul avec un rapport de 0,1 entre les premiers vœux et les sorties, le plus bas de toutes les académies. Elle a posé sur la table des premières propositions : prolongement de la mesure d’avancement de grade dès l’échelon 7 de la classe normale pour les personnels du premier degré avec une extension aux personnels du 2d degré, une évolution des bonifications et l’éligibilité des personnels contractuels au régime de l’ircantec.
Nous avons précisé que cette réunion était une réaction tardive alors que la situation à Mayotte est connue depuis longtemps. Par ailleurs, pour FO, l’attractivité de Mayotte ne peut être décorrélée de mesures générales sur l’attractivité puisque le problème est surtout systémique : abrogation de la réforme des retraites, hausse du point d’indice et rattrapage de la perte du pouvoir d’achat depuis 20 ans, recrutement de tous les postes nécessaires et améliorations des conditions de travail. Quant à Mayotte en particulier, si le ministère veut des idées pour en améliorer l’attractivité il les trouvera dans la lettre de la FNEC FP-FO de Mayotte à la ministre Élisabeth BORNE et dans les revendications des personnels en grève depuis une semaine qui sont les plus à même de savoir ce qui est bon pour l’île. Mais elles impliquent un plan d’ampleur pour ce territoire abandonné, qui va au-delà de mesures éducation : santé, eau, logement, sécurité, culture, infrastructures…
Si l’accès à l’Ircantec pour les agents contractuels est une vraie avancée, il ne répond pas à leur revendication première, un vrai plan de titularisation, seule mesure efficace pour les pérenniser, que l’ensemble des organisations demande. Quant aux autres propositions, elles sont largement insuffisantes, surtout quand le ministère livre lui-même le constat d’échec en pointant le niveau historiquement bas de l’attractivité.
Pour la FNEC FP-FO, il faudra mettre bien plus sur la table s’il l’on veut que la situation de l’attractivité à Mayotte commence à s’améliorer. Prochaine réunion courant mars.
Mobilité
Les personnels enseignants ont exceptionnellement jusqu’au 7 février pour exprimer une demande de participation tardive au mouvement pour la rentrée 2025 (sous réserve de l’accord du rectorat).
La FNEC FP-FO a appuyé sur le fait que la mobilité tardive offerte aux collègues de faire des voeux de mutation ou de changer le vœu Mayotte était une bonne chose, en dénonçant largement le fait que c’était “sous réserve de l’acceptation du rectorat”. Réponse : ” c’est la volumétrie des demandes qui va décider de l’acceptation ou non de ces mutations tardives. ”
La DGRH navigue clairement à vue : les solutions envisagées ne correspondent pas à Mayotte (cours en distanciel : pas de réseaux, d’équipements ; arrivée de personnel retraités, volontaires, mais pas de logements ni de budgets pour les payer).
Formation spécialisée extraordinaire (F3SCT)
La réunion se tenait avec un ordre du jour restreint : mise en place d’un soutien – surtout psychologique – aux personnels, état du bâti scolaire, sécurité avec une ouverture aux questions diverses. La FNEC FP-FO publiera un compte-rendu exhaustif de cette instance, mais voici les points essentiels.
Le ministère nous livre un semblant de mea culpa, qui paraissait somme toute assez sincère, mais dont les personnels ne peuvent se satisfaire. Il admet que beaucoup restait à faire.
La FNEC FP-FO commence par porter les revendications des personnels, tirées de la lettre ouverte et de la résolution de la CEF. Mais surtout, propose deux avis pour formaliser des demandes générales qui seront adoptées à l’unanimité. Le premier sur la nécessité de réunir les instances locales, a minima quand elles le demandent, de les informer très régulièrement et de les laisser agir selon leurs prérogatives, même en cas d’enquête. Le deuxième sur les commissions et sous-commissions, FO demandent qu’elles soient organisées et rendent leur avis de manière réglementaire et que ces avis soient tous transmis aux représentants.
Ce sont les questions diverses qui ouvrent la séance spontanément. Pour FO, les premières questions sont : comment vont les personnels ? Quel bilan peut-on déjà nous faire sur la situation de tous les personnels ? Ont-ils tous été contactés ? Ont-ils tous un toit ? Y a‑t-il des blessés ? Le ministère dit avancer, avoir contacté près de 80% d’entre eux, mais être en incapacité de faire un tel bilan et refuse même de le faire, ce n’est pas son rôle. Ce n’est pas entendable. Ce n’est pas un fichier qui est demandé, mais un bilan de l’état de santé et des besoins.
Pour ce qui est de l’aide d’urgence ou « prime Chido », on se félicite de l’avancée, mais elle doit être accessible sans condition et sans que des justificatifs soient exigés. Le cyclone a touché tout le monde d’une manière ou d’une autre. Le ministère répond que c’est une mesure et un accord interministériels, mais que le dialogue social avance et qu’il suffirait aux agents de se manifester pour l’obtenir sans trop de formalisme. La ministre n’a pas d’autre choix maintenant que d’y accéder, trop de personnels sur place attendent cette aide, pour FO ce serait un véritable scandale que d’esquiver la souffrance des personnels.
La FNEC FP-FO a insisté également sur la nécessité de ne pas presser les agents, d’accorder de la souplesse et d’accéder à une sorte d’ASA Chido pour les personnels qui auraient besoin de temps pour des formalités, des réparations ou autre. Le ministère a confirmé là aussi qu’il suffisait de se signaler et qu’une souplesse dans la reprise serait bien entendu envisagée. Pour FO cela doit être effectif sur le terrain, aucune disparité ne doit exister entre la position du ministère et celle du rectorat.
Concernant le suivi psychologique des personnels, les 3 permanences d’une demi-journée actuellement en place sont largement insuffisantes. Après l’urgence, d’autres conséquences du traumatisme se révéleront, il faut que le ministère s’y prépare et prévoie un plan de recrutement. Il dit le préparer, les difficultés de logement freinant pour le moment l’apport en personnels. Nous posons la question de la médecine scolaire. Ce n’est visiblement pas le sujet du ministère, qui se contente d’un : « mais oui, il faudra aussi y réfléchir ». Tout cela est très insuffisant.
Pour ce qui du bâti, nous pointons l’écart entre les retours du terrain et le constat du ministère. Pour lui, dans le 1er degré seules « 37 écoles ne pourront pas rouvrir en raison des dommages trop importants causés par le cyclone et la tempête, 25 écoles sont fermées en raison d’un manque d’accès à l’eau potable (une livraison d’eau par la préfecture est prévue), 39 écoles étaient fermées par les municipalités et devaient pouvoir rouvrir le 29/01/2025. Pour le 2d degré, la plupart des établissements ont pu accueillir les élèves suivant une organisation adaptée tenant compte des réalités locales. 7 EPN restent fermés : 3 ont reporté leur ouverture au 29/01/2025, 3 au 03/02/25 et un a été fermé de façon préventive suite à une dégradation de la potabilité de l’eau. »
Le problème des commissions est soulevé de manière unanime. Il n’est pas acceptable que les avis n’aient pas encore été transmis aux représentants. La composition de celles-ci pose également question.
Le ministère se cache cyniquement derrière la réglementation : pour eux, il n’y a pas eu de fermeture… c’est inadmissible. Pour la FNEC FP-FO, dans une académie déclarée en catastrophe naturelle, qui vient d’être balayée par un cyclone, le ministère par souci d’économie parie sur la santé et la sécurité des personnels.
Concernant la sécurité, là encore la réponse en termes de clôtures provisoires et de recrutement n’est pas adaptée. La situation d’avant cyclone était déjà intenable pour les agents avec des agressions, des caillassages, des attaques d’établissement. La catastrophe n’a pas tout emporté. La question se situe au niveau maintien de l’ordre, les agents de prévention ou les équipiers mobiles de sécurité n’ont pas ces prérogatives. On ne peut dans l’urgence répondre à un problème que l’État n’a pas voulu voir pendant des années. Leur sécurité doit être assurée, comment va faire l’employeur ? La question des signalements DGI se pose dès lors avec acuité.
Au final, les réponses ne sont pas du tout à la hauteur de la catastrophe en cours. Le ministère ne semble pas prendre la mesure de la situation, de la détresse et de l’urgence. La FNEC FP-FO soutient ses syndicats sur place, et à tous les niveaux pour la satisfaction de leurs revendications.