Pré-recru­­te­­ment d’apprentis pro­fes­seurs : Sta­tut, concours et salaires dans le viseur de la loi Blanquer

16 Nov, 2018Non clas­sé

Par­mi les mesures des­truc­trices du pro­jet de loi Blan­quer pour « une école de la confiance », le minis­tère pré­voit la modi­fi­ca­tion du recru­te­ment des AED, qui pour­raient être uti­li­sés comme pro­fes­seurs appren­tis à moindre coût. Recru­tés par contrat en L2, sans le sta­tut de pro­fes­seur sta­giaire, ils seraient expo­sés au licen­cie­ment jusqu’à leur titu­la­ri­sa­tion qui n’interviendrait qu’à la fin de leur M2. Cela res­semble fort à la période d’essai du contrat pre­mière embauche qui avait dû être abro­gé face à la mobi­li­sa­tion des jeunes et des sala­riés, avec leurs orga­ni­sa­tions. Cela n’a rien à voir avec un véri­table pré-recru­te­ment dans le cadre du statut !

Des appren­tis à 250 € par mois !

Le minis­tère se féli­cite du dis­po­si­tif EAP, mis en place par le ministre Peillon, qui embauche des pro­fes­seurs en alter­nance à 402 € par mois. Les EAP sont rému­né­rés 12h heb­do­ma­daire sur la base de 61% à 91% du SMIC en fonc­tion de leur âge et de leur niveau d’étude.

Mais il lui faut aller plus loin dans la déré­gle­men­ta­tion et la mise en place du tra­vail gra­tuit. Le minis­tère revoit à la baisse les condi­tions de rému­né­ra­tion de ces appren­tis. Un AED est rému­né­ré à l’indice 311 soient 1457,34 € bruts. Un pro­fes­seur sta­giaire cer­ti­fié éche­lon 1 est rému­né­ré 1794,74 € bruts. Le nou­vel AED déro­ga­toire tou­che­ra un salaire d’apprenti pour 312 heures par an sur 39 semaines en fonc­tion de son niveau d’étude. Au maxi­mum, le salaire horaire de ces appren­tis n’atteindrait même pas le SMIC (98%). Car, cerise sur le gâteau : le ministre pré­voit en effet que ce mon­tant sera atteint en cumu­lant la rému­né­ra­tion ver­sée par le rec­to­rat et le mon­tant le plus éle­vé des bourses (pour ceux qui en sont béné­fi­ciaires) ! Autant dire que le nou­vel AED ne coû­te­ra au bud­get de l’Éducation natio­nale que 250€ mensuels.

Les futurs ensei­gnants ne sont pas des mendiants !

Le ministre ose par­ler de réforme « sociale » qui per­met­trait de recru­ter des jeunes qui ne peuvent pas, pour des rai­sons finan­cières, pour­suivre des études dans le but de deve­nir ensei­gnant. Le ministre serait mieux avi­sé de renon­cer à la mas­té­ri­sa­tion qui allonge de deux ans les années d’étude pour deve­nir ensei­gnant et qui impose, cette année, à tous les ensei­gnants sta­giaires de s’acquitter des 90 € de la CVEC. Au lieu de cela, il pro­pose une rému­né­ra­tion qui s’apparente à une obole pour la charité.

Une for­ma­tion pro­gres­sive, ou le recru­te­ment de bouche-trous polyvalents ?

Autre argu­ment invo­qué par M. Blan­quer : per­mettre « une acqui­si­tion pro­gres­sive du métier » dans le but d’éviter les décep­tions bru­tales abou­tis­sant aux démis­sions. Il est pré­vu qu’en M1, l’apprenti effec­tue des « rem­pla­ce­ments d’enseignants com­pa­tibles avec la conti­nui­té péda­go­gique des ensei­gne­ments ». Dans ce cadre, où est le tuteur ? Où est la for­ma­tion ? Il s’agit plu­tôt de col­ma­ter les brèches lorsque le minis­tère conti­nue à sup­pri­mer des postes d’année en année. Dans le pre­mier degré, dès la L2, l’apprenti devrait effec­tuer un « enca­dre­ment d’activités adap­tées et préa­la­ble­ment orga­ni­sées, notam­ment en cas d’absences ponc­tuelle et pré­vue ».

Ce pro­jet per­met de redé­ployer les postes en uti­li­sant ces AED par exemple sur des com­plé­ments de ser­vice, ou tout sim­ple­ment là où il n’y a pas de pro­fes­seurs. Il auto­ri­se­ra le licen­cie­ment des contrac­tuels actuels, sup­pri­me­ra les mino­ra­tions de ser­vice liées à des affec­ta­tions sur plu­sieurs établissements.

Vers la fin des concours ?

Dans un pre­mier temps, les concours seraient main­te­nus. Mais ils seraient fra­gi­li­sés par ce dis­po­si­tif, d’autant plus que le ministre sou­haite dis­cu­ter, dans le cadre de son agen­da social, d’un éche­lon­ne­ment du concours en 3 ans. L’admission inter­vien­drait seule­ment deux ans après l’admissibilité. Il est ain­si envi­sa­gé de pla­cer l’admissibilité du concours de pro­fes­seurs des écoles à la fin de la L3. Selon un réfé­ré de la Cour des comptes, la pro­fes­sion­na­li­sa­tion per­met­trait de

« sélec­tion­ner ceux des admis­sibles qui pré­sentent les meilleures apti­tudes et la plus forte moti­va­tion pour le métier, quitte à com­plé­ter leur for­ma­tion dis­ci­pli­naire par la suite ». Ni fonc­tion­naires-sta­giaires, ni élèves-pro­fes­seurs sous sta­tut, ils seront pro­fes­seurs contrac­tuels sans garan­tie d’admission, jetables à tout moment.

Le gou­ver­ne­ment veut en finir avec le Statut

Ce pro­jet s’inscrit plei­ne­ment dans l’actuelle réforme de la Fonc­tion publique : le contrat à la place du sta­tut et le moins cher pos­sible. L’AED serait affec­té dans le même éta­blis­se­ment durant toute la for­ma­tion, avec à la clef, un recru­te­ment à l’issue du concours dans l’établissement en ques­tion. Mais il faut rap­pe­ler que les AED sont recru­tés par les chefs d’établissements, dans le cadre d’un contrat de droit public. Et un contrat reste un contrat, il peut y être mis fin par l’employeur. Il ne s’agit donc ni d’un pré-recru­te­ment, ni d’une for­ma­tion. Il s’agit d’élargir les mis­sions des AED en atté­nuant encore la fron­tière des mis­sions entre ces der­niers et les ensei­gnants. Et il s’agit sur­tout de recru­ter, selon la volon­té du ministre Dar­ma­nin, une main‑d’œuvre contrac­tuelle à bas coût.

La FNEC-FP-FO exige le retrait de ce pro­jet. Elle se pro­nonce pour :

  • un vrai pré-recru­te­ment dans le cadre du Sta­tut (sur le modèle des IPES et des Ecoles nor­males, avec un sta­tut d’élève-professeur),
  • la fin de la mas­te­ri­sa­tion des concours,
  • le retrait du pro­jet de loi Blan­quer « pour une école de la confiance ».

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