Pré-recrutement d’apprentis professeurs : Statut, concours et salaires dans le viseur de la loi Blanquer
Parmi les mesures destructrices du projet de loi Blanquer pour « une école de la confiance », le ministère prévoit la modification du recrutement des AED, qui pourraient être utilisés comme professeurs apprentis à moindre coût. Recrutés par contrat en L2, sans le statut de professeur stagiaire, ils seraient exposés au licenciement jusqu’à leur titularisation qui n’interviendrait qu’à la fin de leur M2. Cela ressemble fort à la période d’essai du contrat première embauche qui avait dû être abrogé face à la mobilisation des jeunes et des salariés, avec leurs organisations. Cela n’a rien à voir avec un véritable pré-recrutement dans le cadre du statut !
Des apprentis à 250 € par mois !
Le ministère se félicite du dispositif EAP, mis en place par le ministre Peillon, qui embauche des professeurs en alternance à 402 € par mois. Les EAP sont rémunérés 12h hebdomadaire sur la base de 61% à 91% du SMIC en fonction de leur âge et de leur niveau d’étude.
Mais il lui faut aller plus loin dans la déréglementation et la mise en place du travail gratuit. Le ministère revoit à la baisse les conditions de rémunération de ces apprentis. Un AED est rémunéré à l’indice 311 soient 1457,34 € bruts. Un professeur stagiaire certifié échelon 1 est rémunéré 1794,74 € bruts. Le nouvel AED dérogatoire touchera un salaire d’apprenti pour 312 heures par an sur 39 semaines en fonction de son niveau d’étude. Au maximum, le salaire horaire de ces apprentis n’atteindrait même pas le SMIC (98%). Car, cerise sur le gâteau : le ministre prévoit en effet que ce montant sera atteint en cumulant la rémunération versée par le rectorat et le montant le plus élevé des bourses (pour ceux qui en sont bénéficiaires) ! Autant dire que le nouvel AED ne coûtera au budget de l’Éducation nationale que 250€ mensuels.
Les futurs enseignants ne sont pas des mendiants !
Le ministre ose parler de réforme « sociale » qui permettrait de recruter des jeunes qui ne peuvent pas, pour des raisons financières, poursuivre des études dans le but de devenir enseignant. Le ministre serait mieux avisé de renoncer à la mastérisation qui allonge de deux ans les années d’étude pour devenir enseignant et qui impose, cette année, à tous les enseignants stagiaires de s’acquitter des 90 € de la CVEC. Au lieu de cela, il propose une rémunération qui s’apparente à une obole pour la charité.
Une formation progressive, ou le recrutement de bouche-trous polyvalents ?
Autre argument invoqué par M. Blanquer : permettre « une acquisition progressive du métier » dans le but d’éviter les déceptions brutales aboutissant aux démissions. Il est prévu qu’en M1, l’apprenti effectue des « remplacements d’enseignants compatibles avec la continuité pédagogique des enseignements ». Dans ce cadre, où est le tuteur ? Où est la formation ? Il s’agit plutôt de colmater les brèches lorsque le ministère continue à supprimer des postes d’année en année. Dans le premier degré, dès la L2, l’apprenti devrait effectuer un « encadrement d’activités adaptées et préalablement organisées, notamment en cas d’absences ponctuelle et prévue ».
Ce projet permet de redéployer les postes en utilisant ces AED par exemple sur des compléments de service, ou tout simplement là où il n’y a pas de professeurs. Il autorisera le licenciement des contractuels actuels, supprimera les minorations de service liées à des affectations sur plusieurs établissements.
Vers la fin des concours ?
Dans un premier temps, les concours seraient maintenus. Mais ils seraient fragilisés par ce dispositif, d’autant plus que le ministre souhaite discuter, dans le cadre de son agenda social, d’un échelonnement du concours en 3 ans. L’admission interviendrait seulement deux ans après l’admissibilité. Il est ainsi envisagé de placer l’admissibilité du concours de professeurs des écoles à la fin de la L3. Selon un référé de la Cour des comptes, la professionnalisation permettrait de
« sélectionner ceux des admissibles qui présentent les meilleures aptitudes et la plus forte motivation pour le métier, quitte à compléter leur formation disciplinaire par la suite ». Ni fonctionnaires-stagiaires, ni élèves-professeurs sous statut, ils seront professeurs contractuels sans garantie d’admission, jetables à tout moment.
Le gouvernement veut en finir avec le Statut
Ce projet s’inscrit pleinement dans l’actuelle réforme de la Fonction publique : le contrat à la place du statut et le moins cher possible. L’AED serait affecté dans le même établissement durant toute la formation, avec à la clef, un recrutement à l’issue du concours dans l’établissement en question. Mais il faut rappeler que les AED sont recrutés par les chefs d’établissements, dans le cadre d’un contrat de droit public. Et un contrat reste un contrat, il peut y être mis fin par l’employeur. Il ne s’agit donc ni d’un pré-recrutement, ni d’une formation. Il s’agit d’élargir les missions des AED en atténuant encore la frontière des missions entre ces derniers et les enseignants. Et il s’agit surtout de recruter, selon la volonté du ministre Darmanin, une main‑d’œuvre contractuelle à bas coût.
La FNEC-FP-FO exige le retrait de ce projet. Elle se prononce pour :
- un vrai pré-recrutement dans le cadre du Statut (sur le modèle des IPES et des Ecoles normales, avec un statut d’élève-professeur),
- la fin de la masterisation des concours,
- le retrait du projet de loi Blanquer « pour une école de la confiance ».