Réforme des concours et de la « formation des enseignants » : un concentré de territorialisation et de contractualisation
Dans ce domaine comme dans d’autres, la crise du Covid-19 n’a aucunement infléchi les projets du ministère : en effet la nouvelle présentation le 14 mai du projet d’arrêté « fixant le cadre national des formations dispensées au sein des masters MEEF » enkyste la « masterisation », accroît la contractualisation et constitue une attaque en règle contre les concours et les statuts.
Le renforcement de la « masterisation »
La réforme de la « masterisation », que la FNEC-FP FO a combattue dès l’origine, a délégué aux universités autonomes et à leurs INSPÉ la formation professionnelle initiale des fonctionnaires qui devrait être à la charge de l’État employeur. Le projet d’arrêté réitère que ne pourront être nommés comme professeurs stagiaires que ceux ayant réussi non seulement leur concours mais aussi leur master !
Un même concours mais des préparations différentes
Utilisant à plein les possibilités ouvertes par la définition autonome des masters, le ministère entend « laisser le choix » de la période des « 12 mois consécutifs » d’alternance sous contrat prévue dans le nouveau cursus des masters, « laisser le choix » de la place des 12 semaines de stage qui viendront compléter, pour les non contractuels, les 6 semaines de stages prévues durant la 1ère année. Ainsi les préparations aux concours comme le déroulement et le contenu des masters pourront différer sensiblement d’une INSPÉ et d’une université à l’autre : le même concours mais pas le même master, le même concours mais pas la même préparation ? Ce serait la fin programmée des concours nationaux.
Un accès au concours qui n’est plus garanti à tous
Renvoyant aux universitaires et collègues des INSPÉ la responsabilité de la sélection à l’entrée du master, le ministère laisse même la possibilité de « choisir » de n’accueillir que des étudiants qui seront sous contrat, c’est- à‑dire d’éliminer d’emblée tous les autres étudiants qui souhaiteraient accéder à la profession enseignante. Il serait donc de fait interdit à ces derniers de passer le concours. Ce serait l’assèchement programmé des recrutements statutaires.
Une machine à « former » … des contractuels
Les étudiants qui seront en alternance seront sous contrat pendant « 12 mois consécutifs ». Leur service hebdomadaire n’est pas précisé. Autrement dit, ils seront tout simplement contractuels et pourront servir de moyens de remplacement « bouche-trous ». Ceci y compris à plein temps, comme c’est explicitement prévu pour ceux préparant le concours de CPE et comme ce n’est pas interdit pour les autres.
Une entrée plus tardive dans la carrière, sans revalorisation
Le projet d’arrêté place le passage du concours en deuxième semestre de l’année de M2. Ainsi l’accès au statut de fonctionnaire est encore retardé d’une année entière. Et le ministère prétend renforcer l’«attractivité » de la profession enseignante ! Ceci ne pourra que décourager un plus grand nombre de candidats. En outre aucune reconnaissance de la qualification supplémentaire acquise n’est prévue.
Fin programmée du caractère disciplinaire des concours et des masters
Le dernier semestre de master étant dévolu au passage du concours, il reste 30 semaines universitaires disponibles. Les périodes couvertes par l’alternance ou les stages couvrent au total 18 semaines. Concrètement il en resterait donc… 12 qui pourraient être consacrées à la préparation aux épreuves des concours.
Dans les masters, à Bac+5, l’enseignement disciplinaire ne serait plus délivré qu’à dose homéopathique ! C’est la négation du caractère disciplinaire donc universitaire des masters.
Par voie de conséquence, de quelles exigences disciplinaires pourraient bien être porteuses les épreuves des concours ? C’est la négation de l’enseignement critique et de l’autonomie pédagogique. La « professionnalisation », c’est la conformation d’enseignants aux attentes de la hiérarchie, c’est aussi le profilage de professeurs conformes aux réformes Blanquer.
Un pas supplémentaire vers l’annualisation des services
Le ministère utilise l’arrêté pour introduire la notion d’«obligation réglementaire de service annuelle cumulée », réduite des deux tiers pour les contractuels étudiants. C’est un coin supplémentaire enfoncé dans la définition hebdomadaire des ORS pour aller vers l’annualisation des services dans le cadre des 1607 H pour tous.
Fin de la réduction des obligations de service hebdomadaires des fonctionnaires stagiaires
Pour ceux qui réussiraient malgré tout et le concours et le master MEEF et qui se retrouveraient donc fonctionnaires stagiaires, les conditions seraient bien plus difficiles qu’auparavant : en effet, il n’y aurait plus de réduction du service d’enseignement hebdomadaire, le ministère prévoit des « décharges » ponctuelles pour les jours de formation qui resteraient.
Mobilité forcée pour tous les collègues des INSPÉ
Les masters MEEF sont-ils les CFA du professorat ? C’est ce qu’implique la réforme, avec dans un volume d’heures d’enseignement réduit, la nécessité d’introduire un tiers d’intervenants externes à l’INSPÉ, y compris des « associatifs » qui participeraient à l’évaluation, contre la laïcité et la qualification requises pour former des professeurs. À terme, tous les collègues en poste en INSPÉ seraient concernés par des « redéploiements », en direction du secondaire pour les collègues PRAG-PRCE, d’autres composantes universitaires pour les enseignants- chercheurs.
La précarisation, la contractualisation, la territorialisation, la mise en cause des statuts et des missions portées par la loi de Transformation de la Fonction publique et le projet de loi de programmation pluriannuelle dans l’enseigne- ment supérieur et la recherche sont aussi à l’œuvre dans la réforme des concours et des masters MEEF. L’objectif n’est autre que la mise en extinction du statut de la Fonction publique. La réforme des retraites, en faisant disparaître le salaire continué que constitue la pension, liée au statut de fonctionnaire, viendrait verrouiller le tout. Pour la FNEC-FP FO, c’est inacceptable.
La FNEC FP-FO revendique :
- l’abandon de la « masterisation » et de la réforme Blanquer de la formation des enseignants qui déplace le concours en fin de master ;
- un recrutement au niveau Bac+3, avec une formation professionnelle sous statut ;
- des concours fondés sur la vérification objective des connaissances des candidats ;
- le maintien de l’agrégation comme concours post M1 (ancienne maîtrise) ;
- le maintien pour tous du statut et des droits statutaires, avec pour les enseignants des ORS hebdomadaires ;
- l’abrogation de la loi de transformation de la fonction publique et l’abandon définitif du projet de réforme des retraites.
Montreuil le 18 mai 2020