Réponse au président de la République
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Montreuil, le 19 septembre 2022
à Monsieur Emmanuel MACRON Président de la République
Palais de l’Élysée 55 rue du Faubourg-Saint-Honoré
75008 Paris, France
Objet : Réponse à votre lettre aux professeurs et personnels de l’Éducation nationale
Monsieur le président de la République,
Le 16 septembre, vous avez pris l’initiative de vous adresser à l’ensemble des personnels de l’Éducation nationale.
Vous affirmez : « notre système scolaire ne réduit pas suffisamment les inégalités de naissance, décroche dans les évaluations internationales, et suscite souvent la défiance. Trop d’élèves sont malheureux, ne trouvent pas leur place à l’école et ne trouvent pas leur voie ensuite. Trop de professeurs ne sont pas reconnus comme ils le devraient et perdent parfois le sens de leur mission. »
A qui la faute ?
N’est-ce pas vous qui êtes au pouvoir depuis cinq ans ?
N’est-ce pas vous qui, dans la continuité de vos prédécesseurs, avez supprimé sur les cinq dernières années 7 900 postes d’enseignants du second degré public alors que les effectifs ont augmenté de 26 400 élèves ? N’est-ce pas vous qui avez – et c’est une première – gelé la valeur du point d’indice durant votre premier quinquennat ?
N’est-ce pas vous qui avez mis en œuvre une série de mesures s’en prenant directement aux conditions de travail des personnels et à l’École publique en tant que telle, de la loi « pour une école de la confiance » à la réforme du baccalauréat en passant par Parcoursup qui prive des dizaines de milliers de bacheliers du droit de s’inscrire à l’Université ?
N’est-ce pas vous qui avez accéléré la territorialisation qui réduit en miettes toute l’architecture de l’Éducation nationale, avec son puzzle de 13 régions académiques dirigées par un « super » recteur directeur d’agence régionale et, en toile de fond, des mutualisations de services et des suppressions de postes ?
Oui, la situation est difficile dans les écoles, les services et les établissements, les personnels de direction rassemblés devant le ministère de l’Éducation nationale le 15 septembre avec leur syndicat Indépendance et Direction Force Ouvrière l’ont encore récemment signifié, mais c’est vous qui en portez l’entière responsabilité.
Vous rajoutez : « Le salaire des enseignants aura ainsi augmenté d’environ 10% et aucun professeur ne débutera sa carrière à moins de 2 000 euros nets à compter de la rentrée 2023. À cette revalorisation générale et inconditionnelle sont susceptibles de s’ajouter des augmentations plus importantes encore dans le cadre du pacte que nous vous proposons. Tous les enseignants qui le souhaitent pourront en effet s’engager dans des missions supplémentaires, par exemple du remplacement, du suivi individualisé, de l’accompagnement à l’orientation ou à l’insertion professionnelle ou des tâches de coordination. »
Une revalorisation pour la rentrée 2023 ? Uniquement pour les professeurs ? Vous n’êtes pas sans savoir que le ministère de l’Éducation nationale ne peut fonctionner sans l’ensemble de ses personnels, qui tous attendent une augmentation de salaire immédiate afin de faire face à l’inflation.
Par ailleurs, c’est à n’y rien comprendre… Vous annonciez durant la campagne électorale que le salaire des enseignants serait revalorisé de 10%, propos que vous reprenez dans votre courrier quelques jours après que votre ministre de l’Éducation nationale ait indiqué à la presse que la revalorisation ne concernerait que les enseignants ayant moins de 10 ans d’ancienneté.
Ce que nous avons bien compris par contre, c’est qu’une bonne partie de la « revalorisation » serait conditionnée à des tâches supplémentaires ; c’est que les personnels qui ne sont pas enseignants ne seront pas concernés par cette « revalorisation. »
Monsieur le président, les personnels de l’Éducation nationale en ont assez.
Ils connaissent cette année un effondrement inédit de leur pouvoir d’achat puisqu’alors que l’inflation pourrait atteindre 8%, vous n’avez décidé que d’une augmentation de 3,5% de la valeur du point d’indice, effondrement qui s’ajoute aux pertes subies depuis 2000, qui s’élèvent à 24 % !
Notre fédération vient d’ailleurs de prendre l’initiative d’une pétition nationale exigeant :
- L’ouverture sans attendre de négociations dans la Fonction publique pour revaloriser tous les personnels par l’amélioration de la grille indiciaire dès 2022 !
- L’augmentation immédiate de la valeur du point d’indice a minima au niveau de l’inflation et ouverture de discussions pour rattraper le pouvoir d’achat perdu depuis 20 ans !
Enfin, vous indiquez : « Aussi, dès le mois d’octobre, nous lancerons partout en France ce chantier de la refondation de l’école en proposant à chaque école, chaque collège, chaque lycée qui le souhaite de bâtir un projet qui lui est propre en mettant tout le monde autour de la table, les chefs d’établissements, les directeurs d’écoles, les enseignants et toute la communauté éducative, les parents d’élèves, les élèves, les partenaires associatifs ou économiques, et les élus des collectivités territoriales. C’est ce que nous avons fait à Marseille il y a un an : cela a déjà permis des résultats tangibles et des innovations vertueuses. »
L’expérimentation marseillaise, dont vous confirmez donc la généralisation, ce sont des subventions accordées à quelques écoles en fonction de projets bâtis avec les collectivités locales et les associations, le directeur d’école participant au recrutement des adjoints afin de s’assurer qu’ils sont motivés par le projet !
Votre projet, c’est la porte ouverte à toutes les pressions locales ; c’est la territorialisation de l’École publique ; c’est le contraire de l’École de la République, la même pour tous les élèves du pays ; c’est la remise en cause du statut des enseignants fonctionnaires d’État.
La FNEC FP-FO ne l’acceptera jamais et demande l’abandon de cette expérimentation.
Soyez certains que notre fédération saura prendre toutes ses responsabilités dans les semaines qui viennent pour faire valoir les revendications des personnels.
Nous le ferons à partir des préoccupations exprimées par les personnels dans les centaines de réunions d’information syndicale que nous allons organiser dans tout le pays, et pas dans le cadre du « Conseil National de la Refondation » et de ses suites, auxquelles notre fédération, à l’instar de la confédération générale du travail Force Ouvrière, ne participera pas.
Veuillez croire, Monsieur le président de la République, en notre attachement à l’École publique laïque et républicaine et aux statuts de ses personnels.
Clément Poullet, secrétaire général de la FNEC FP-FO